2018 / 2019



Kukaï de Lyon, jeudi 9 mai 2019


Haïkus non visuels


Animateur : Patrick Chomier
Participants : Béatrice Aupetit-Vavin, Catherine Guillot, Annie Reymond, Martine Mari, Marcelle Botto, Nicole Barlet, Marie-Claire Vaschalde, Jacques Beccaria, Christian Lherbier, Danyel Borner, Irène Chaléard


Pour sortir de la fascination de la vue, nous choisissons d’écrire deux haïkus non visuels. Pour ne pas être redondant avec le récent atelier « gourmandise » ni céder à la facilité de traiter les récentes fêtes de Pâques nous évitons d'évoquer le goût en tant que plaisir gustatif. Il est également suggéré d'écrire un des deux haïkus sur le toucher.



les bras tendus
à petits pas chercher la porte
dans la nuit

Christian Lherbier (4 voix)


froissée dans ma main
une feuille de menthe
odeur de vacances

Béatrice Aupetit-Vavin ( 3 voix)


craquements d'os
au pied de mon lit
souris ou oiseau ?

Béatrice Aupetit-Vavin (3 voix)


dans l'ombre chaude
dort le gros chat paisible
parfum de roses

Martine Mari (2 voix)


Tintement
De la petite cuillère
Sur le bol

Jacques Beccaria (2 voix)


A cinq heures
l'alarme incendie !
Riz cramé

Danyel Borner (2 voix)


Avec 1 voix :

naïve euphorie / la démarche légère / soixante printemps
Nicole Barlet

sieste estivale / rires et cris d'enfants / reflux des vagues
Nicole Barlet

Miroir embué / dansent sur ma peau cinq doigts / frais et chaud
Catherine Guillot

vent violent / de bas jusqu'en haut / moi vivant
Annie Reymond

Fin février / la sirène des pompiers / déjà
Irène Chaléard

Mois de mai / L'odeur du gazon coupé / Solitude
Jacques Beccaria

elle m'annonce / la mort de son père / les cris du bébé
Patrick Chomier


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Kukaï de Lyon, jeudi 18 avril 2019

« Auberge »


Animateur : Jacques Beccaria
Participants : Annie Reymond, Martine Mari, Nicole Barlet, Patrick Chomier, Danyel Borner, Catherine Guillot, Irène Chaléard, Christian Lherbier, Marcelle Botto, Béatrice Aupetit-Vavin, Marie-Claire Vaschalde

Relevé dans le Progrès du jour :

Avril pluvieux, mai venteux
Font an fécond et bienfaiteux.

19 h. - Nous lisons les textes apportés sur le thème « Auberge » (contributions personnelles, un texte de Cédric Klapisch sur son film L’Auberge espagnole, « Ma Bohème » de Rimbaud). Un temps est ensuite consacré à l’écriture, en écho à ce qui a été entendu (forme libre et courte, à l’appréciation de chacun). La séance s’achève par la lecture des productions et un échange de commentaires.


Le chant du grillon

Jardin de Mamy
parfois on croit voir ailleurs
les hortensias roses

Une maison accueillante chuta de son piédestal. Dans ces mêmes contrées, proche depuis le premier jour, une grâce à cueillir devait traverser le miroir du temps.
Une solitude philosophique et des responsabilités à ne pas fuir avaient eu besoin d’échos, de légèreté et de rires. Je sais pourquoi je n’aime plus les maisons et m’épanouis en mode albatros replié dans mon pigeonnier. Une maison c’est une famille et une famille c’est le plus souvent une hiérarchie formatée aux relents de formol. J’ai cru trouver autre chose que la grisaille passéiste de mon sang dans des conscrits de lycée mariés et parents trop tôt, mais la vie sans imagination les a broyés et j’ai failli y laisser aussi ma peau. Dans cette auberge, puisque j’y ai eu vivre et couvert pendant des années, j’ai même vécu des cascades de films de mousquetaires, attrapant d’un bond le bord inférieur de la mezzanine et me rétablissant à la force des bras sur la rampe à l’étage pour la joie renouvelée des mômes. Les mômes... Lentement phagocytés par une Folcoche et rentrés dans le rang de la dynastie productiviste paternelle ou autre coercition disciplinaire, auront-ils un jour conscience de l’étroitesse du moule ?
Mes amis et surtout mes aînés parmi les poètes et les fous de théâtre sont plus jeunes d’esprit que ces trentenaires bedonnants.
Quand je tends la main vers le miroir, je peux désormais toucher sa main qui me happe.

À l’hôtel Grillon
on reçoit bien les poètes –
lumière du couchant
Danyel Borner

Le lac

Onze kilomètres nous séparaient du lac. Au plus chaud de l'été, maman, ma soeur et moi enfourchions nos vélos et, à la fraîche, nous partions. Le pique-nique préparé la veille était dans un panier attaché par un tendeur sur le porte-bagages avec nos serviettes et du linge de rechange.
Ah ! le plaisir de ces départs au petit matin ! Nous portions, ma soeur et moi, nos robes blanches brodées par maman de fleurs et de bateaux, chacune de nous ayant un motif différent et nous pédalions avec toute notre énergie pour arriver au plus vite.
Le problème à l'aller, c'était la côte, ça montait pendant des kilomètres et bien sûr, nous mettions notre point d'honneur à ne pas descendre de vélo, mais le plus difficile, à mi-parcours, c'était de passer devant cette bâtisse qui bordait la route et dont les lettres à demi effacées sur la façade indiquaient « AUBERGE DU CHEVAL BLANC ».
 
D'un coup, la soif se faisait plus intense, la fatigue aussi et l'imagination allait bon train : entrer dans ce lieu sombre, s'asseoir devant des verres embués de fraîcheur, la tentation était forte, je détournais le regard, mais l'image me poursuivait. Et puis je ne sais comment, au bout d'un moment, ce qui primait ce n'était plus ce désir terrible de m'arrêter, mais l'obstacle à dépasser à tout prix et je redoublais d'effort. Le lac restait le but à ne pas oublier, son image se superposait, puis effaçait la précédente, l'arrivée était proche.

*

Aux berges du souvenir
Miroir aux alouettes
Qui s'y reflète encore ?
Le passé n' revient plus habiter la demeure
Foin des repas de fête et des grandes familles
L'auberge a fermé ses portes

Marcelle Botto


mai pluvieux venteux
elle ne désemplit pas
l’Auberge de la Place

aubaine à l’auberge
on affiche complet
- jour d’enterrement

devant la porte
la chienne de l’aubergiste
- l’enjamber pour entrer

La choucroute pour les Donneurs de Sang, le boudin pour le Sou des Ecoles. Ne pas inverser les menus.

Entre les gros seins et les gros bras le calendrier de la Poste.

Boucherie Chevaline à côté de l’Auberge du Cheval blanc, les courses sont vite faites.

A la Bonne Auberge des berges de Saône la friture vient de Chine. Heureusement qu’il y a une terrasse et la Grande Ourse.

Béatrice Aupetit-Vavin


Arrivée dans
Un univers unique
Bercée par les sonorités
Et les
Rires
Grandir
Entourée d’inconnus devenus amis

Marie-Claire Vaschalde


Auberge, mot du passé.
Je pense au temps des diligences, des chevaux fatigués, des voyageurs assoiffés.
Déposés là, les passants s'y posent, s'y reposent, mangent, boivent, puis un peu plus tard vident la place pour d'autres affamés.

Tables de bois tanné
que raclent les chopines
Langues agiles

Repassant la porte, ils remontent en voiture, et encore assis et bringuebalés, repartent vers la prochaine auberge.

Catherine Guillot


Une framboise dans le pudding

Ô Berge
Entre ici
Au chaud

Patrick Chomier


Daube à l'aube

Depuis l'aube
Sur la berge
Bordée d'aubépines
Je somnole
Un pull, un jean
Frissons. J'observe
Un peu de neige d'avril
Sur les fils barbelés
Un hérisson
Sous un bouleau nu
Je me lève
A l'horizon oblique
au-dessus des eaux brunes
L'auréole auburn
d'un matin de miel
J'ai faim
Une auberge en vue
Tout au bout du chemin
Enfin j'arrive au but
« Au brasseur barbu »
Aubergines
Daube à l'ancienne
Crêpe au beurre au menu
Quelle aubaine !
« Entrez Madame »
J'obéis.

*

Tourner autour du pot
De crème chantilly
Posé sur le comptoir
Du café des complices

Souffler sur la bougie
En évitant l'obstacle
Du bord en dents de scie
Chocolat blanc factice

Ecouter la chanson
Malmenée au piano
Fausses notes rituelles
Sur les touches à malice

Puis ouvrir son cadeau
Enveloppé de crépon
En sortir un bateau
Miniature à hélice

Emu, verser une larme
Sous les rires amicaux
En sifflant l'apéro
Populaire à l'anis

Irène Chaléard


Une pièce d’or
L’aubergiste avisé
Ah ! Louis XVI
Dans un lieu de passage, certains se rafraîchissent, d'autres se restaurent. Autrefois, à l'étage, certains dormaient. Les chevaux étaient changés au temps des diligences. Peu payaient en pièces d'or à l’effigie de Louis XVI. L'aubergiste de Varennes est devenu célèbre.

Partie de coinche
Quatre papies et mamies
Se chamaillent dur

Compagnons de jeu dès l'enfance, ils se réunissent à l'auberge de la Guillotière chaque premier samedi du mois pour gagner le saucisson de la tombola.

Martine Mari


Panique à l'auberge

L'info est arrivée dans toutes les oreilles en même temps à la vitesse d'un feu de paille !
       Comment c'est possible ?
Tout le monde se sent oppressé comme asphyxié par une fumée épaisse.
       Comment y croire ?
Chacun sent son gosier qui se dessèche et voudrait se rafraîchir à une fontaine généreuse.
       Qu'est-ce qu'on peut faire ?
Chacun regarde son voisin, incrédule.
Et puis, l'aubergiste a confirmé ; il a dit à haute voix : « C’était pas prévu, il n'y en aura pas avant demain, c'est une rupture de stock ! »
à vous d'imaginer quoi ?


*
Mode d’emploi

- écouter les textes faire un pot de mots
- se nourrir des mots trouvés dans le pot
et
repartir à l'auberge.

Annie Reymond


Repas de noce à l’auberge

Invité la veille
Loin au bout de la table
L’oncle scandaleux

Nicole Barlet


Après l’auberge du Cheval blanc et l’auberge du Lion d’or, l’auberge de la Grande Ourse, peut-être.

Jacques Beccaria


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Kukaï de Lyon : jeudi 28 mars 2019



« Gourmandises »

Animateur : Danyel Borner
Participants : Béatrice Aupetit-Vavin (représentée), Jacques Beccaria, Marcelle Botto, Irène Chaléard, Robert Gillouin, Catherine Guillot, Jean-Pierre Jacquot, Christian Lherbier, Annie Reymond


En ce jour de mi-carême, nostalgie de Noël, envie de Pâques ?
L’arrivée du printemps n’est peut-être pas étrangère à cette expression de gourmandise(s), partout, tout le temps, toujours !


sur sa langue
goût du chocolat fondu
roi en son palais

Catherine Guillot (4 voix)


couleur chocolat
une envie soudaine de baiser
son épaule nue

Robert Gillouin (3 voix)


Comme un souvenir
Oublié
Le goût de la poire

Jacques Beccaria (3 voix)


Dans les nuages
Dans les étoiles
Je demande la lune

Jacques Beccaria (3 voix)


Thé de Noël
le nez dans les étoiles
de badiane

Danyel Borner (3 voix)



Aux matins bleus
rien ne semble impossible –
café fumant

Irène Chaléard (2 voix)


vide
le paquet de papillotes
je suis chocolat

Béatrice Aupetit-Vavin (2 voix)


La baguette du chef
épuisée après treize heures
la boulangère rit

Danyel Borner (2 voix)


Avec 1 voix :

vanille chocolat / l’enfant se lèche les babines / et les doigts aussi
Annie Reymond

premières fleurs, dans le jardin / à travers la vitre / et la lumière
Christian Lherbier

Pulpe d’orange brillante / Sur ses lèvres 2 gouttes / Soif d’elle
Catherine Guillot

une gorgée de café / un p’tit carré d’chocolat / et recommencer
Robert Gillouin

salle d’attente / un gros sac de chocolats / pour l’attente
Robert Gillouin


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Kukaï de Lyon, jeudi 7 mars 2019


« Rendez-vous manqué »


Animateur : Patrick Chomier
Participants : Annie Reymond, Marie-Claire Vaschalde, Irène Chaléard, Jacques Beccaria

L'animateur prévu ayant eu un empêchement, nous nous sommes finalement retrouvés à cinq et avons improvisé un kukaï, thème : Rendez-vous manqué (écriture de 2 haïkus, durée 30 min, 2 voix attribuées).


On n'attend plus
Au rendez-vous des poètes
Que la pleine lune

Jacques Beccaria, 3 voix


Juin ciel sans étoile
au nord du cercle polaire
la nuit ne vient pas

Irène Chaléard, 2 voix


Rendez-vous
De l'autre côté du pont
Dans la brume

Jacques Beccaria, 2 voix


Avec 1 voix :

trois heures du matin / la maison toujours vide / trois notes de musique
Annie Reymond

enculé ! / s'écrit le vieil aviné / - le bus part sans lui
Annie Reymond

Seule sous la pluie / je t'attends depuis une heure / les yeux pleins de gouttes
Irène Chaléard



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Kukaï de Lyon : jeudi 14 février 2019


« Saint-Valentin »



Animateur : Patrick Chomier
Participants : Marie-Claire Vaschalde, Marcelle Botto, Nicole Barlet, Jacques Beccaria, Annie Reymond, Robert Gillouin, Martine Mari, Béatrice Aupetit-Vavin, Catherine Guillot, Christian Lherbier, Danyel Borner, Irène Chaléard


Nous profitons de la Saint-Valentin pour faire un kukaï consacré à l'amour : deux haïkus, un sur les sentiments et l'autre plus charnel sur les sensations. Un des deux haïkus devant comporter « je ».


Un matin d'hiver
dans la boîte aux lettres
pétales de roses

Nicole Barlet (3 voix)


dernier café
lentement dans la cuisine
nos mains s'effleurent

Robert Gillouin (3 voix)

Je m'aime
mon cœur s'ouvre
aux invitations

Marie-Claire Vaschalde (2 voix)


Saint valentin
sous un triangle de dentelles
ses lèvres de soie

Béatrice Aupetit-Vavin (2 voix)


joues rouges
moustache dressée
son bras blanc

Annie Reymond (2 voix)


Il a sa muse
mais je ne la connais pas
ménage à trois

Martine Mari (2 voix)


Dans la ville
Des ombres croisées
La nuit tombe

Jacques Beccaria (2 voix)

Avec 1 voix :

Te trouver beau / Désirer et t'attendre / Et t'attendre encore
Marcelle Botto

pas à pas s'approcher d'elle / d'abord, n'attendre / que son regard
Christian Lherbier

Dans son cou / le chemin humide / un baiser
Danyel Borner

Deux amandes au miel / je savais que son regard / m'aimanterait toujours
Danyel Borner

miel de l'extase / de ta peau à ma langue / ton pied sur ma joue
Annie Reymond

Trottoir scintillant / Je marche sur les nuages / La tête en soleil
Jacques Beccaria

ton sourire et / un verre de vin en terrasse / nuit de pleine lune
Robert Gillouin

je elle je elle je / courbure impact douce et chaude / le boson de Higgs
Patrick chomier 


Avant de délibérer, nous étions invités à écrire un rebond poétique à partir de notre haïku favori : soit un haïku soit une forme courte (2 lignes maximum) . Les trois retenus :

Un matin d'hiver                                                  son odeur
dans la boîte aux lettres                                       sur l'enveloppe
pétales de roses NB                                                 je respire à petit coup CG


joues rouges                                                        j'avais raison
moustaches dressées                                           j'aurais dû m'écouter
son bras blanc AR                                                  et éteindre la lumière RG


Il a sa muse                                                         J'évite de prononcer
mais je ne la connais pas                                    mon, ma, mes
ménage à trois MM                                               trio raisonnable MCV / NB



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Kukaï de Lyon : jeudi 31 janvier 2019


« Ce à quoi je dis oui, ce à quoi je dis non »


Animateur : Danyel Borner
Participants : Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Marcelle Botto,  Irène Chaléard, Robert Gillouin, Annie Reymond


Désormais habituelle récréation-création de la saison, un atelier "Cut-up" selon découpe aléatoire de mots pour leur seul aspect, dans des magazines. Du Surréalisme à Brion Gysin et Burroughs en passant par Bowie ou la musique concrète, ciseaux et colle se conjuguent désormais numériquement mais nous mettons toujours la main à la pâte.
Un thème à respecter si on peut : « Ce à quoi je dis oui, ce à quoi je dis non »

Un beau moment ludique et méticuleux...


























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Kukaï de Lyon

Séance du 10 janvier 2019

« Le haïku, surgissement »



Animation : Jean Antonini
Participant.es : Christian Lherbier, Catherine Guillot, Robert Gillouin, Irène Chaléard, Annie Reymond, Jean-Pierre Jacquot, Pascale Drivon, Patrick Chomier, Danyel Borner, Marie-Claire Vachalde, Béatrice Aupetit, Jacques Beccaria, Nicole Barlet, Martine Mari, Marcelle Botto

Première partie : Pourquoi s’intéresser au surgissement du haïku ? Bien que lié à la poésie japonaise par l’histoire du haïku, la pratique de cette forme poétique d’origine japonaise nous permet de modifier et faire travailler autrement notre relation au monde et au langage.
Nous avons cherché dans une quarantaine de hokkus de Bashô comment se manifeste ce surgissement, avec l’idée que le surgissement du poème n’est pas exclusivement lié à l’usage d’une langue particulière, le japonais, mais qu’il manifeste aussi un fonctionnement mental plus universel vis à vis du monde.
Lecture collective des hokkus de Bashô et échanges autour de la question du surgissement.
Seconde partie : Recherche dans son carnet de haïkus de 3 poèmes surgissants et écriture d’une prose d’une dizaine de lignes exposant les circonstances de ce surgissement. Puis, lecture et échanges.


Jean Antonini :

Chemin des Chassagnes
en montant regarder ses pieds
en descendant le ciel

Ce haïku-là s’est écrit en descente. J’étais trop fatigué et pressé (je me rendais à un atelier) à l’aller pour penser au haïku. Au retour, satisfait du travail accompli, mon imagination musarde en descendant, s’amuse des regards vers le haut ou vers le bas et du jeu que cela créera dans un haïku (un va et vient de signification, dit Bashô).


Annie Reymond :

tram T1
groupes d'étudiants polyglottes
je perds mon chemin

tram T1
groupes d'étudiants polyglottes
j'en perds mon chemin

Tout à l'heure en venant au Kukaï, dans le T1 il y avait les étudiants de La Doua qui sortent des cours. L'un espagnol parle fort et raconte avec beaucoup de mots ce qu'il voit sur son téléphone portable. Plus discrets deux asiatiques parlent doucement et sourient. Et puis un couple d'amoureux parle avec les yeux.
Dans mon coin je pense que je perds mon latin dans ce tram au milieu de tous ces langages et je sors mon carnet et écris ce haïku qui se termine par chemin, comme une évidence, car partout où je vais je me perds.


Nicole Barlet :

salle d'attente
chez l'ophtalmo quelqu'un lit
« le mauvais œil »

Au CHU de Saint-Étienne, une patiente lit le roman de Boileau-Narcejac apporté par ses soins....
version de Patrick :

salle d'attente
chez l'ophtalmo
un Miro


Jean-Pierre Jacquot :

Moutons dans le ciel
Brise légère dans les arbres
Un cerf effrayé

Au printemps, par un matin calme, promenade en forêt. Quand soudain, à l’orée du bois, de derrière un bosquet, bondit un cerf surpris, apeuré.


Danyel Borner :

Pas dormi. Un tram tout de suite. 6H30 pour 7h00 en gare de Perrache. Ah, c’est pas cher mais c’est le bout de l’aurore !

Salle des pas perdus
une jeune fille joue du Satie —
un chien dans un sac

D’emblée sortir un carnet plutôt qu’un livre et lutter contre le sommeil avec un café et une attention vive.

Le clochard sourit
Service de Sécurité
le clochard s’en va

Après l’attente, la surprise d’une belle bêtise, j’ai pris un billet pour hier et le contrôleur me dit que ce n’est pas possible... Je me résous à repartir en quête d’un autre train avant midi mais au diable-vauvert de Saint-Ex. à Marseille, les amis, j’arrive !

Espace voyageurs
sous le bandana du môme
des croûtes


Martine Mari :

sous ma semelle
une feuille écrasée
début d'un livre

Dans le parc Blandan au début de l'automne, des feuilles sont collées à ma semelle et j'allais m'asseoir pour lire sur un banc.


Catherine Guillot :

Une carte du monde
penchés sur leur carnets
des gens à lunettes

Pas retrouvé mon carnet de haïkus. Il faut que j'écrive de la prose sur le surgissement d'un haïku absent. Je regarde autour de moi, et une idée naît – surgit ?- de la proximité d'une carte du monde mal scotchée sur le mur orange et de gens à lunettes penchés sur leur tout petit monde personnel : une feuille de carnet et un stylo - dessin, carte, écriture en parallèle et en opposition.


Christian Lherbier :

Décrocher le tableau du mur
aucune poussière
seul un scorpion noir

Fin d'une expo de peinture. Une des exposantes pousse un cri. Un scorpion se cache entre le châssis et la toile. Il tombe au sol, se met en position d'attaque, dérisoire. D'un coup de pied, il est écrasé.


Jacques Beccaria :

L'accordéoniste
Assis seul au carrefour
Danse des voitures

Dans l'agitation de la ville, un accordéoniste joue avec entrain des morceaux qui invitent à la danse. Les gens pressés passent sans s'arrêter, sans prêter attention au musicien. Seules les voitures, ralentissant, accélérant, klaxonnant, ont l'air de danser.


Patrick Chomier :

le père Noël tout pâle
il ne passera plus
à la machine

Il s'agit du motif de la nappe que j'utilise pendant la période des fêtes de Noël depuis plusieurs années. Elle est donc bien défraîchie et songeant que c'était sa dernière année, le haïku a surgi.


Irène Chaléard :

19H. Jour de janvier sur fond de nuit glaciale. La ville hâte son pas. Les nuages noirs annoncent la pluie, peut-être même la neige. Manteaux sombres de sortie et bonnets assortis.
Je pousse la porte de l'Arche . Autour de la table d'écriture, un arc-en -ciel de couleurs. Du bleu dont le ciel d'hiver nous a privé ce jeudi.  Le contraste m'a inspiré ce haïku :

Ciel de neige
la ville presse le pas
pas même un pull bleu


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Kukaï de Lyon, jeudi 22 novembre 2018

« Bashō en automne »


Animateur : Jacques Beccaria
Participants : Christian Lherbier, Catherine Guillot, Jean-Pierre Jacquot, Annie Reymond, Danyel Borner, Pascale Drivon, Marie-Claire Vaschalde, Martine Mari, Marie-Hélène Tufel, Irène Chaléard, Marcelle Botto, Nicole Barlet

On pouvait apporter un poème de Bashō (ou autre) avec un commentaire court.

La séance commence par une brève présentation de Bashō (1644-1694), suivie de la lecture des poèmes apportés, avec commentaires et discussion. Elle s’achève par la traditionnelle dégustation du beaujolais nouveau en novembre.

Sauf indication contraire, les haïkus sont de Bashō.


Martine Mari :

Sur une branche nue
un corbeau est descendu
le soir d'automne
 
des lettres, oui
pas des feuilles colorées d'automne ratissées
brûlées après lecture

Le premier, devenu un classique, reste toujours fort au crépuscule d'une vie, proie des corbeaux, proie du temps ? L'automne est déjà un déclin mais nous pouvons choisir de lire les lettres qui nous arrivent en oubliant celles du passé consumé. La culture du présent face à la nature qui passe.
Comme La Fontaine, son contemporain, Bashô oppose nature et culture et il s'adresse aux animaux comme d'autres nous-mêmes. En 2018, chacun de ces poèmes cristallise encore un instant de présent.


Danyel Borner :
déjà l'automne
je n'ai toujours pas fini de lire
ce livre

(Sōseki)

Bien sûr on pense à une fin de vie... Bien sûr kigo explicite.
Traduit sans la forme 5-7-5 mais peut-on faire plus limpide et plus concis ?
« Déjà », oui, déjà... Pas seulement un déclin de l’été mais également un feu ! Un feu d’automne qui peut distraire de la lecture afin de l'observer, le vivre, l’écrire.
Ce haïku peut donc décrire aussi bien l'épuisement, le regret, que la surprise et un nouveau cycle d'observation, de ressentis, d'écriture pour le poète.

Je pense à ce haïku fait en gare de Perrache, attente d'un train, à l’aube :

Espace voyageurs –
le distributeur d'histoires
jamais en panne


Marcelle Botto :

Oie,oie sauvage
Tu l'as fait à quel âge
Ton premier voyage ?

(Issa)

C'est un dialogue avec des animaux migrateurs qui renvoie aux passages des saisons : les départs en automne et  les  retours immuables au printemps.
En même temps en introduisant le mot « âge », il marque la finitude, contrairement aux saisons, pour nous, il y aura un arrêt avec la notion du temps qui passe et le mouvement induit par le vol.


Catherine Guillot :

Longue saison de pluie
L'odeur de bois
du crayon que je mordille

(Sonoko Nakamura)

Dans l’anthologie Du rouge aux lèvres 1, page 121, page 35, page 52, trois haïkus écrits par des haïjins japonaises ont la même première ligne. Page 93 en deuxième ligne, page 128 en troisième.
Tradition du kigo, le mot de saison… Difficile saison des pluies, espace large de la nature, regardé de l'abri de la maison.
Elle vit intensément, tous ses sens éveillés, vue sur le large, odeur, toucher du bois dans la bouche.
On entend même le bruit du crayon qui craque doucement, et, un peu, la pluie.

1. Dominique Chipot et Makoto Kemmoku, Editions du Seuil, collection « Points », 2010.


Annie Reymond :

fraîcheur du ciel d’automne
peler et savourer
la poire et le melon

(Le Chemin étroit vers les contrées du Nord, traduction française de Nicolas Bouvier, présentation d'Alexandre Chollier, Editions Héros-Limite, Genève, 2006.)

Ce qui m’a plu c’est la fraîcheur de ce haïku aussi bien dans le ciel que dans les fruits qu’ils savourent, c’est simple comme un bonheur, une joie de vivre qui permet d’avancer sur le chemin que l’on s’est tracé ou que l’on veut découvrir. C’est aussi une façon de prendre le contre-pied dans l’automne qui est souvent associé à une saison de ce qui touche à sa fin.
Pour moi Bashô est un voyageur inassouvi qui a su au cours de ses errances, rencontrer les autres et « regarder au fond de lui-même ».


Jean-Pierre Jacquot :

Sur une branche morte
Les corbeaux se sont perchés
Soir d'automne

Déjà, le kigo est bien présent même si sur la dernière ligne.
Pour moi l'automne est la saison du « déclin » après les beaux jours et la chaleur de l'été et ici tout va dans ce sens.
La branche morte (mot cru et dur à mon goût) mais qui donne le ton.
Les corbeaux (noirs) qui sont souvent des oiseaux de mauvais augure perchés sur cette branche sans vie.
Tout ceci me donne un sentiment de tristesse que je ressens également en période automnale quand les jours raccourcissent et le froid grandit.


Nicole Barlet :

D'après moi
L'au-delà ressemble à ça
Soir d'automne

J'ai choisi ce haïku, qui évoque une soirée d'automne paisible, ni trop froide ni trop chaude, baignée dans une lumière douce, jaune pâle. Tout est tamisé, sans bruit. L'esprit est occupé uniquement à regarder, sereinement, sans penser. On peut imaginer ainsi le passage vers l'au-delà dans l'oubli et la sérénité.

Jacques Beccaria :

somnolant à cheval, encore dans le rêve
au loin la lune
et les fumées pour le thé


Rêve et réalité, rêve ou réalité ? Il y a le cheval, la lune, le thé, mais la perception est incertaine : rêverie, somnolence, demi-sommeil.
« au loin la lune » : peut-on se rapprocher de la lune comme on se rapproche d’une maison ? S’agit-il vraiment de la lune ?
« et les fumées pour le thé » : fumées ? brume ? brouillard ? Ce thé est-il réel ou imaginaire ?


Référence bibliographique :

COLLET Hervé et CHENG Wing fun, Bashô maître de haïku, Paris, Editions Albin Michel, collection « Spiritualités vivantes », 2011.







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KUKAÏ du 17 novembre 2018

« Ginko des pentes »

Animation : Danyel Borner
Participant.es : Bikko, Fernando, Annie, Anne-Marie, isabel, Irène, Josette, Béatrice, Delphine, Pascale, Jean


Jour des gilets jaunes –
Sa main écarte les pans
du kimono noir

isabel, 5 voix



gueules ouvertes
le long de la traboule
un rang de poubelles

Josette, 3 voix



Cour des Voraces
me vient une envie féroce
de faire pipi

Béatrice, 3 voix



Jardin suspendu
entre l’automne et l’hiver
des bottines rouges

Delphine, 3 voix



Lyon secret
Sous le manteau en douce
quelques fleurs

Irène, 2 voix



Brume d’automne
Dans la maison de l’oiseau
ne vit personne

Fernando, 2 voix


Avec 1 voix :

bistanclaque et clic / Danyel prend des photos / ginko d’automne
Béatrice

Froid aux mains / Danyel raconte des histoires / avec enthousiasme
Fernando

Cour des Voraces / le facteur est passé / tout peinturluré
Pascale

derrière la grille / sous un arc-en-ciel / deux ou trois factures
Irène

klaxons / des éclats de gyrophare / bleuissent les murs
Bikko

traboule vorace / chercher son nom / dans la palette
Annie




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Kukaï de Lyon : jeudi 18 octobre 2018


« La césure »

Animateur : Patrick Chomier
Participants : Marie-Hélène Tufel, Béatrice Aupetit-Vavin, Nicole Barlet, Pascale Drivon, Marie-Claire Vaschalde, Irène Chaléard, Jean-Pierre Jacquot, Marcelle Botto, Annie Reymond, Catherine Guillot, Christian Lherbier, Danyel Borner, Martine Mari, Jacques Beccaria


Première partie consacrée à la césure puis kukaï avec deux haïkus chacun, un Toriawase (principe de juxtaposition) et un Ichibutsu Shitate (discontinuité d'un objet unique). Concernant la métrique, nous étions invité à écrire un 5-7-5 et un 3-5-3 afin de varier nos habitudes d'écriture.
Thème : Ce mois d'octobre, temps accordé : 20 minutes puis 2 voix à attribuer.


Berges du Rhône
isolés, deux cygnes noirs
côte à côte

Nicole Barlet (6 voix)


regarder
au delà du temps
dos au mur

Annie Reymond (4 voix)


Fumer au balcon
Trafic intense de la rue
Encore une bouffée

Marie-Hélène Tufel (3 voix)


Grimper haut
goûter la fraîcheur
lac à sec

Irène Chaléard (3 voix)


Péniche à quai
Voyages immobiles
Griserie du soir

Nicole Barlet (2 voix)


haletant
du matin au soir
nom d'un chien !

Patrick Chomier (2 voix)


Avec 1 voix :

Pensées ombragées / Le sombrero sur le nez / Soleil estival
Jean-Pierre Jacquot

sieste à l'ombre / attention danger / chute de pommes
Béatrice Aupetit-Vavin

Dans le bus C4 / Une jeune fille pleure / Soleil d'une larme
Pascale Drivon

Lire des haïkus / dans la maison silencieuse / on siffle dans la rue
Catherine Guillot 

Un trou dans le mur / Fontaine d'eau dans l'escalier / Kukaï quand même
Catherine Guillot

Un temps après l'autre / plus ou moins ensorcelé / écrire encore
Irène Chaléard

Reine de la vogue / une robe barbe à papa / talons hauts, perchée
Danyel Borner

Césure bienfaitrice / Se retrouver au kukaï /
Patrick Chomier


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Kukaï de Lyon, jeudi 4 octobre 2018


« La semaine des quatre jeudis »



Animateur : Danyel Borner
Participants : Béatrice Aupetit-Vavin, Nicole Barlet, Jacques Beccaria, Irène Chaléart, Robert Gillouin, Catherine Guillot, Christian Lherbier, Martine Mari, Annie Reymond, Marie-Hélène Tuffel, Marie-Claire Vaschalde

Retour cette nouvelle saison du jeudi unique sur deux lieux.
Pour cette anecdote de fonctionnement de l’atelier et parce que nous croulons partout sous les promesses et menteries en tous genres, célébrons cette belle et ancienne utopie de La semaine des quatre jeudis. L’expression existe depuis le XVe siècle avec deux jeudis. Le vendredi étant maigre, le jeudi est gras comme le dimanche et deux jeudis font rêver d’une semaine de bombance pour ceux qui peuvent. Au XVIe siècle, on passe à trois avec une mention dans Pantagruel de Rabelais. Au XIXe les jeudis forment un quarteron puis sont popularisés par le jour de congé scolaire des enfants de 1945 à 1972.

Plusieurs acceptions donc : Jamais, Utopie, Mensonges, Gourmandises, Repos, Loisirs pléthoriques...

Quelques exemples d’équivalence dans d’autres langues et cultures :


Allemagne : Quand Pâques et Pentecôte tombent le même jour
Angleterre : Un mois de dimanches ainsi que Quand les cochons pourront voler
Brésil : Le jour de Saint Jamais
Espagne : Quand les grenouilles auront des poils
États-Unis : Lorsque l'enfer sera recouvert de glace
Italie : Quand les ânes voleront ainsi que Le jour du jamais
Portugal : La semaine des neuf jours
Québec : Quand les poules auront des dents
Roumanie : Quand le peuplier fera des poires et le saule des giroflées
Tunisie : Quand l'âne braira dans la mer


1 – Chacun trouve quelques mots ou expressions constituant un pot de mots collégial où puiser si on le souhaite.

2 – Kukaï traditionnel à trois haïkus d’un point chacun


L'herbe bouge un peu
tout mon temps
pour la regarder bouger

Catherine Guillot 4 voix


Avec 3 voix

Dans la caisse à son
le bruit sourd de la pelle
nourrir les vaches

Robert Gillouin


matin au lit
ivresse de lecture
matin au lit

Annie Reymond


Le jour du jamais
Sous un parapluie jaune
Roule une valise

Martine Mari


Avec 2 voix

À peine la nuit tombée
pas à pas
chercher la marguerite

Christian Lherbier


Grands jeux du jeudi
Jouer à saute-mouton
Parmi les feuilles mortes

Marie-Hélène Tuffel


Un nouveau jeudi
le miroir de l'ascenseur
Toujours décoiffée

Martine Mari


ivresse et silence
éternité d'une nuit
dans des draps de soie

Irène Chaléard


Derrière la fenêtre
le jardin les arbres le ciel
matin calme

Catherine Guillot


Face à la mer
compter une vague à l'heure
jusqu'à quatre-vingt seize

Irène Chaléard


Avec 1 voix

père Fouettard / semaine des 4 jeudis / Parents menteurs
Marcelle Botto

ciné-club / de la rue des quatre-cantons / effleurer les possibles
Robert Gillouin

prendre le temps / de casser plusieurs noix / le temps d'écrire ses rêves
Robert Gillouin

Vacances infinies / Joie du vagabondage / Souvenirs d'enfance
Marie-Hélène Tuffel

Les voitures volent / Je me souviens du ciel bleu / Tout bleu
Jacques Beccaria

Jeux d'hiver la nuit / La fausse neige brille / Sous les projecteurs
Jacques Beccaria

Facture à régler / avant vendredi matin / espérer la grève
Irène Chaléard

La retraite / toute la vie l'attendre / à la vie tourner le dos
Christian Lherbier

"Choses promises, chômedu" / à chaque rentrée on y croit / encore
Danyel Borner

Paradis des pommes / La première semaine divine / comptait 7 jeudis
Danyel Borner