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Kukaï de Lyon, jeudi 4 janvier 2024
« Poème et prose de début d’année »
Animateur : Jean Antonini
Participants : Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Danyel Borner, Marcelle Botto, Patrick Chomier, Nicolas Giacchero-Amat, Catherine Guillot, Christian Lherbier, Catherine Pigeon, Margot Pommier
Première séance de l’année, Jean propose un atelier en deux temps. Avec des haïkus du nouvel an apportés par tous et après une première lecture d’exemples de textes de Bashō, nous rédigeons par petits groupes une forme plutôt courte où prose et haïkus se mêlent. Une prose poétique, la plus libre possible. Nous faisons ensuite un kukaï traditionnel à un seul tercet avant de nous réchauffer de gourmandise.
Groupe Jean + Nicolas + Bashō (proposé par Jean) :
lune et neige
mes seuls compagnons de l’année –
fin de l’an
- Mon cher Bashō, que dirais-tu d’une petite salade d’endives…
- Oh ! une trattoria dans la ruelle à gauche…
désorienté par la lampe
un papillon de nuit
tape à la fenêtre
- Laissons venir à nous les papillons de nuit… c’est un sphinx tête-de-mort !
- Avec qui je passe la nuit du réveillon ?
- Avec la lune et la neige. Pas beaucoup de neige ce soir.
- Et demain encore ?
Laisser couler l’eau
lentement sur le sachet de thé
– c’est l’hiver
- Cher Bashō, comment trouves-tu ce thé en étant loin de chez toi, que vois-tu ?
- J’aime bien voyager, dans ce haïku par exemple :
dans les rizières
le va et vient des paysans
– voyageur est mon nom
- Seul ou en compagnie ?
- C’est un plaisir d’être ensemble.
- Les jours de l’an se ressemblent et pourtant jamais les mêmes.
Groupe Catherine P + Jacques + Danyel :
Enfance évanouie, un rêve de neige. Des amis nouveaux d’une nouvelle vie. Un souffle ou une gifle de vent donnent envie d’écrire. Il y a tant de façons de partager une lumière, intérieure ou bain d’ombres et de sourires.
métro de nuit
les escarpins fatigués
dans ses petites mains
Entre crépuscule et aube, quelques flocons pour traverser le Rhône, seul.
Groupe Marcelle + Catherine G + Christian :
Un peu de nuit
un peu de neige
sur le jasmin d’hiver
Champagne et résolution
rien ne brille dans ses yeux
Nuit du Nouvel An
Au matin
pas encore de traces de pas
La visite du bourdon
dans les roses de Noël
Groupe Béatrice + Margot + Patrick :
jour de l’an –
en y réfléchissant
triste comme un soir d’automne
« Certes, mais en y réfléchissant bien, c’est une année de moins que l’an prochain ! »
kukaï
champagne et galette
quatrième jour de l’an
***
Kukaï :
Douze coups de minuit
les bulles pétillent
sans moi
Catherine Pigeon (5 voix)
aube du nouvel an
le chasse-neige a balayé
les idées noires
Béatrice Aupetit-Vavin (3 voix)
trois sapins
sur le parking
Épiphanie
Patrick Chomier (2 voix)
Ce matin j’ai remonté
Mon vieux réveil mécanique
Tic-tac tic-tac
Jacques Beccaria (1 voix)
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Kukaï de Lyon, jeudi 9 novembre 2023
« Maux de saisons »
Animateur : Danyel Borner
Participants : Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Marcelle Botto, Irène Chaléard, Patrick Chomier, Nicolas Giacchero-Amat, Catherine Guillot, Christian Lherbier, Caroline Martinez, Catherine Pigeon
Clin d’œil ou hommage à cette constante du haïku japonais classique, issu des almanachs de mots de saison, nous traiterons dans un premier temps de choses plus ou moins personnelles qui nous paraissent surprenantes, lassantes ou pénibles dans une ou plusieurs saisons, sous la forme d'un texte de quelques lignes, en prose ou un haïbun. Ensuite, kukaï traditionnel avec deux haïkus différents du premier texte. Sur les deux tercets, pas plus d'une saison citée nommément et plus volontiers suggérée. Nous aurons ainsi en quelque sorte un mini saïjiki de nos préférences et agacements saisonniers.
J’aimais bien, en ce temps-là, le mois de septembre : raisin blanc, poires, soleil adouci, et les marronniers de la place Bellecour.
Jacques Beccaria
Maux de saison
Depuis plusieurs années, à chaque fois, c’est la même chose. Arrive inévitablement le moment où, d’après le calendrier, l’été devrait tirer sa révérence, la chaleur s’estomper, la pluie revenir. Mais il n’en est rien et, bien au contraire, le beau temps joue les prolongations…
Il est alors attendu de chacun, de chacune, la seule posture écologiquement recevable : s’insurger publiquement des désastres causés par ces conditions estivales qui s’attardent et réclamer haut et fort le froid et le ciel gris. Dont acte.
C’est donc alors du bout des lèvres que je me risque à évoquer, sans vraiment oser m’adresser directement à qui que ce soit, mon amour du soleil, du ciel bleu, des tenues légères et des soirées en terrasse. Ou comment avoir l’impression d’énoncer des grossièretés, ce qui n’était que lieux communs il y a si peu de temps encore…
Catherine Pigeon
Ce soir, pas de parapluie ! Des gouttes sur le visage, des pensées perçant l’épaisseur de la terre sous nos pas...
De flaques éparses
en lacs clairs –
Avec de la menthe
Catherine Guillot
Drôle de Drôme
Pour une fois on sort de Lyon. J’ai douze ans, besoin de voir un autre air et de respirer en couleur. Petite visite à Valence où est née Mamy, prévision du Palais du facteur Cheval dont j’ai vu des photos noir et blanc avec mes parents jeunes bien avant ma naissance. Pour lors, Dieulefit, cité des potiers et des Justes, juste à côté de Poët-Laval village d’un copain d’école.
Comment décrire cette épreuve ? Au bout de quelques jours, je sens que je suis habité par une poivrière. Entre les poteries, sous l’œil noir des artisans locaux qui ont peur pour leur art, me viennent des salves d’éternuements par lot de dix, quinze, vingt… Tout l’hôtel, les ruelles, vibrent de puissantes déflagrations qu’on est en peine de croire sortir d’un si malingre môme. Prévu en concert la semaine à venir, l’affiche de Manitas de Plata me regarde courroucée. Serais-je un concurrent déloyal ? Il faut bien en convenir, la fuite est le seul salut.
Atchaaa
Atchaa Atchaaa Atchaaaa
le bleu des lavandes
Danyel Borner
***
nu sur le lit nu
on voudrait laisser sa peau
au vestiaire
Danyel Borner (4 voix)
Avec 3 voix :
angoisse au marché
du céleri sur chaque étal
encore la saison !
Irène Chaléard
Froissement des feuilles
Sous mes pas pressés
Il est long le chemin de l’école
Marcelle Botto
automne
trouver le printemps
dans la lumière
Béatrice Aupetit-Vavin
Avec 2 voix :
« avec ce temps
on sait plus comment s’habiller »
premier contact
Patrick Chomier
Paris ligne 13
la plage
au bout du quai
Nicolas Giacchero-Amat
Boules de neige
et rires d’enfants
J’ai oublié mes gants
Catherine Pigeon
Avec 1 voix :
À chaque pas | la croûte de glace crisse | une douce pesanteur
Caroline Martinez
Palombaggia | l’ombre des pins parasols | sur mes avant-bras
Nicolas Giacchero-Amat
ronron en boucle | des vieux films en noir et blanc | le ciel en osmose
Irène Chaléard
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Kukaï de Lyon, jeudi 5 octobre 2023
« La Dignité »
Animateur : Patrick Chomier
Participants : Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Danyel Borner, Marcelle Botto, Nicolas Giacchero-Amat, Robert Gillouin, Christian Lherbier, Catherine Pigeon
En cette rentrée, nous choisissons comme thème pour le kukaï : La Dignité.
Bien entendu, il ne s'agit pas de donner son opinion sur l'actualité : les guerres, les migrants, etc mais bien de retrouver et traduire en haïkus des scènes de nos vies personnelles où ce sentiment (deux versants possibles) a été ressenti.
grandir
seul avec Cyrano
lire et relire
Danyel Borner (3 voix)
Avec 2 voix :
La porte claque
dans son dos,
je ne pleurerai pas
Catherine Pigeon
messe d'enterrement
un rire étouffé
pris pour un sanglot
Béatrice Aupetit-Vavin
Mariage de Tonton
je préfère passer mon temps
avec le chien
Nicolas Giacchero-Amat
Mélancolie d'octobre
Il manque deux boutons à ma chemisette
Jacques Beccaria
Avec 1 voix :
Feuille blanche / tenter un HAIKU / Puis s'abstenir
Soutenir l'effort / Pas à pas jusqu'à l'arrivée / Sous les regards
Christian Lherbier
Pas un mot / Sous la violence de l'insulte / Il garde le silence
Marcelle Botto
ma grand-mère / jamais une plainte / et pourtant
Béatrice Aupetit-Vavin
se priver / mais avec des pâtes Rummo / faim de moi
Danyel Borner
lentement le vent / remue l'ombre du sapin / abattu
Patrick Chomier
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Kukaï numérique de septembre 2023
« Histoires d’eau »
Animateur : Danyel Borner
Participants : Jean Antonini, Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Marcelle Botto, Christine Boutevin, Natacha Carle-Bezsonoff, Irène Chaléard, Patrick Chomier, Nicolas Giacchero-Amat, Robert Gillouin, Claire Mottet, Annie Reymond, Véronique Viala
Thème de ce kukaï numérique de rentrée : « HISTOIRES D'EAU », pas tant pour le jeu de mot que pour la plus grande de nos préoccupations.
Nous avons tous, des fonts baptismaux (pour les plus hypermnésiques) au dernier plouf en crique déserte (pour les chanceux), des souvenirs, des ressentis, des passions personnelles ou partagées pour l'élément liquide qui nous constitue en majeure partie. Laissons remonter ces eaux (au grand maximum une seule citation du mot "eau" pour vos trois haïkus, merci).
Avec 1 voix :
la nuit est tombée
la Saône continue de couler
vers la mer
Jean Antonini
J'habite tout près de cette rivière. J'adore me faire balader par ma chienne Caouette le long de ses quais et de ses chemins de halage. Et en la regardant couler, bien souvent je me dis que j'assiste toujours au même spectacle... et pourtant… Et là, j'apprends que, même la nuit, le spectacle continue !
Robert Gillouin
saison sèche
des villages abandonnés
au camion citerne
Natacha Carle-Bezsonoff
J’ai choisi ce haïku d’abord pour sa chute qui me plaît beaucoup et fait tellement écho à des événements d’actualité : les villages des Pyrénées orientales privés d’eau, les jardins qu’on ne peut plus arroser à cause de la canicule précoce. J’aime beaucoup aussi ce haïku parce que jusqu’au mot « citerne », j’ai eu dans la tête des images de guerre, d’exil et ce dernier mot vient et me fait réinterpréter le sens.
Christine Boutevin
rivière
la vie lentement
suit son cours
Robert Gillouin
J’apprécie particulièrement la concision de ce haïku si expressif avec le double sens sur le mot cours : cours de la rivière, cours du temps. Simplicité et finesse. La concision rend bien aussi la longueur du temps, à la fois lent et inexorable dans son déroulement.
Natacha Carle-Bezsonoff
derniers coups de rames
silence sur le lac
vol des oies sauvages
Claire Mottet
Ce haïku est très poétique comme une bulle de douceur qui apporte une sensation de sérénité et de fraîcheur.
Irène Chaléard
La voix de l’eau
dans ma tête
coule
Nicolas Giacchero-Amat
Et même super cool - 8 syllabes. Certes en première lecture, on perçoit un haïku de rentrée avec juste une phrase coupée en trois cependant ici (ce qui n'est pas le cas, pour moi, dans les autres haïkus courts - 12 syllabes maximum - de cette série) ces 2 césures dues au passage à la ligne créent un espace qui apporte vraiment quelque chose au haïku et me donne l'espoir qu'un jour prochain (ou probablement un peu plus tard) nous, occidentaux, puissions avoir accès au Ma.
Patrick Chomier
Courir sur la grève
chahutée par les vagues
Devenir la mer
Marcelle Botto
Très évocateur pour moi ce haïku m’inspire un retour à l’état sauvage, à l’expérience de liberté absolue. Au cours de la lecture, on change de perspective, puisqu’un passage s’opère, une métamorphose. D’un état à un autre, la mince frontière entre identité intime et monde extérieur se dissout.
Nicolas Giacchero-Amat
le manège tourne
sous la pluie de septembre
le beau Danube bleu
Véronique Viala
J’aime le rythme ternaire, circulaire, de valse, de ce haïku, qui s’écoule bien, tout en restant dans le thème.
Claire Mottet
averse bienfaisante
les graminées dansent
une javanaise
Béatrice Aupetit-Vavin
D'une averse l'autre. Ha ! La javanaise d'une graminée … Et ce féminin me plaît et me surprend comme pour le mot giboulée - une longue histoire de mon enfance.
Annie Reymond
clairs et légers
mes rêves traversent
la rivière
Béatrice Aupetit-Vavin
Rêves clairs et légers. Quelle chance! La rivière est ici soit le symbole de l'impossible, de l'inatteignable, soit l'image d'un don. Mes rêves, je les abandonne, ils s'en vont... de l'autre côté de la rivière.
Robert Gillouin
au pied du mur
les pissenlits assoiffés
pour seuls compagnons
Christine Boutevin
J'ai tout de suite imaginé la scène, un être accablé par la chaleur, immobile assis dans l' air brûlant quand tout mouvement est une épreuve, à l'heure où chacun reste à l'ombre en quête de fraîcheur. Que fait-il là ? J'aime bien lire ce haïku avec le « p » qui revient à chaque ligne.
Irène Chaléard
parfum vespéral
Vivaldi à toute allure
dans le bain moussant
Christine Boutevin
Un condensé d’images qui m’a tout de suite frappé. Je vois le bain bouillonner et ébullir, son auteur tout pris qu’il est par cette course effrénée, presque folle du Concerto Vivaldien.
L’espace sensoriel/bien être du bain parfumé pulvérisé ! Le pouvoir de la musique a sculpté l’élément liquide peut-être…
Nicolas Giacchero-Amat
des/espoirs de pluie
dans le plissé de sa jupe
le ciel étoilé
Christine Boutevin
Beau poème érotico-poétique.
Marcelle Botto
Avec
2 voix :
Au marché des Tupiniers
La tête vide
Parmi les pots et les bols
Jacques Beccaria
Quel humour, avoir la tête vide comme les pots et les bols ! Et le marché des Tupiniers manquait au haïku lyonnais ! Le haïku est 7-4-7.
Jean Antonini
Quand on connaît l’étymologie du mot « tête », ce haïku est encore plus amusant. La tête vide, la tête creuse, la tête qui a tourné ? C’est un haïku qui ne se prend pas trop au sérieux, et j’ai aimé la sonorité du mot « tupinier ».
Véronique Viala
JE SAIS PAS NAGER
en riant ils me balancent
par-dessus bord
Patrick Chomier
Je n’ai heureusement pas connu cela, mais voilà un texte qui me touche et me met dans la même colère qu’une scène du film La Meilleure Façon De Marcher de Claude Miller vu à sa sortie en 1976. Les protagonistes étaient de jeunes adultes mais on sait que les plus jeunes encore sont tout aussi empreints de cette bêtise dangereusement ordinaire que peut produire l’effet de groupe et que l’on ne cesse de voir se répandre à l’école et désormais sur les réseaux sociaux. La première ligne en majuscule amplifie le cri, c’est glaçant.
Danyel Borner
J’ai apprécié la formulation en majuscules qui traduit bien l’impact du vécu de l’instant.
Béatrice Aupetit-Vavin
Seul
mes mots-pluies
sur la page froissée
Nicolas Giacchero-Amat
Forcément, je suis touché. La forme épouse le propos, 1-3-5, une goutte, puis trois, puis cinq sur la page. Une lettre reçue, une lettre écrite et réécrite ? Pleurs, sueur de forgeur de mots ? La condition de poète, sensible au monde et tentant d’en transcrire un substrat tient dans ces quelques mots. Une musique aussi.
Danyel Borner
Un poème court... Tableautin romantique ou scène de genre : solitude, écriture, lecture et relecture. La forme est triangulaire, bien taillée. Sur un support, il y a des mots et au-dessus, quelqu’un. « Mots, page » d’un côté, de l’autre, « pluies, froissée ». L’écrit est lié à l’élément liquide, la pluie, et par association d’idées à l’encre et peut-être aux larmes : on peut y voir de la mélancolie, mais aussi la sérénité de l’artisan appliqué et persévérant.
semblant d'orage
beaucoup de bruit pour rien
dans le seau trois gouttes
Irène Chaléard
Qu’il est sonore ce texte ! Je les entends ces gouttes dans le seau que j’imagine en fer. Trois notes de pluie, mais un grand vacarme. La vie, en somme et nous humains qui râlons si souvent pour pas grand chose… un vrai haïku, simple et profond, avec une sensation, la nature, une construction classique… j’aurais aimé l’écrire, comme disent les copains…
Véronique Viala
J’ai choisi ce haïku (même si j’aurai personnellement formulé la troisième ligne en inversant par « 3 gouttes dans le seau ») mais j’en ai apprécié la première ligne et surtout la ligne 2 « un bruit pour rien » souvent employé au figuré qui l'est ici judicieusement employé au sens propre.
Béatrice Aupetit-Vavin
ce creux caillouteux
il y avait là un lac vert
l'automne dernier
Irène Chaléard
Ce n'est plus une menace lointaine. On peut voir de fait les effets du changement climatique avec non seulement la modification du paysage mais aussi la disparition des couleurs associées au lieu.
Marcelle Botto
Le haïku permet de dire les choses les plus fortes avec les mots les plus justes. Le choix du « creux caillouteux » que l’on voit autant qu’on peut le ressentir sous les pieds, la beauté du souvenir du « lac vert » et l’emploi de la saison qui symbolise le wabi-sabi. Absolument parfait dans sa métrique, son propos et la force de son constat désolant.
Danyel Borner
Avec 3 voix :
Brasse coulée
la voix de mon père
m'apprenant à nager
Marcelle Botto
Ce haïku est du même style que celui de “la source”, associant un souvenir à une expression mais ici, la relation est plus évidente. L’adjectif “coulée” apporte une touche d’humour à ce souvenir d’apprentissage avec le père. Le haïku est 3-5-6.
Jean Antonini
Ce haïku me parle, en écho à ma mémoire, ma mère m'apprenant des rudiments de brasse. La forme 4/5/6 me plaît; elle avance comme le mouvement de la nage…
Irène Chaléard
Avec ce haïku, je sens l’ambivalence, un côté désespoir avec la « brasse coulée », et peut-être affectueux ou mélancolique avec la voix paternelle ? Simple et complexe à la fois.
Claire Mottet
« la source »
le jour où j’ai découvert
l’histoire de mon nom
Danyel Borner
Ce haïku a quelque chose de mystérieux en reliant l’expression « la source » et l’histoire d’un nom, et en même temps, la source est la métaphore du début d’une histoire : un jour particulier d’une histoire intime, fondatrice. Alors, le mystère ne semble pas si profond, mais l’ensemble est léger et grave à la fois. Le haïku est 2-7-5.
Jean Antonini
J’aime beaucoup le mot source. Il est à l’origine de… On remonte le temps ici pour « retrouver » une histoire, une étymologie, une explication… Le mystère subsiste, y a-t-il un lien entre le mot source et le patronyme de l’auteur, est-ce simplement le lieu où lui a été expliqué cette histoire ? On aimerait la connaître…
Véronique Viala
J’ai apprécié le coté un peu mystérieux de ce haïku qui m’a donné envie d’en savoir plus. Aussi parce qu’il évoque un évènement précis, marquant et portant une charge émotive qui m’a renvoyé à l’histoire de mon prénom.
Béatrice Aupetit-Vavin
averse d’été
dans mes bottes en caoutchouc
une grosse limace
Véronique Viala
Très visuel, saison bien évoquée avec cet enchaînement de cause à effet : la pluie, les bottes en caoutchouc, la limace… On y est.
Marcelle Botto
Parce que la limace est grosse !
Annie Reymond
Voilà un haïku narratif : une scène bien connue, racontée avec simplicité, mais très évocatrice ; on ressent bien cette grosse limace ! Il me touche aussi car il évoque des moments que j’ai vécus moi-même. C’est une façon de les revivre.
Natacha Carle-Bezsonoff
Avec 4 voix :
à chaque orage
l'odeur du premier jardin
lumière dans les yeux
Danyel Borner
Bel hommage au pétrichor, ce vocable bizarre, qui renvoie au passé si présent de ma découverte des odeurs de mon petit jardin d'enfance sous la pluie…
Robert Gillouin
Ce qui m’a d’abord plu c’est la L2 : qu’est-ce que ce « premier jardin » ? Cela a suscité de la curiosité. J’ai pensé au jardin d’Éden, à Adam et Ève, au paradis. Mais quelle odeur pouvait-il y avoir dans ce jardin ? Puis j’ai pensé au jardin d’enfants comme si l’orage nous ramenait dans les souvenirs de ce jardin. Personnellement je n’ai pas eu de jardin enfant, mais l’image est tellement stéréotypée que c’est comme si j’en avais eu un, imaginaire du moins. Enfin, j’adore le lien entre la L1 et la L3 car pour moi la lumière est celle des éclairs de l’orage : quoi de plus fascinant que cette lumière venue du ciel !
Christine Boutevin
Une ambiance sacrée, originelle, qui rappelle également la fin du film « Soleil Vert ».
Patrick Chomier
J’aime « l’odeur du premier jardin », c’est tout-à-fait ça ! il y a quelque chose de jubilatoire quand quelqu’un d’autre exprime mieux que soi ce que l’on voudrait dire, parfois même avant qu’on l’ait pensé.
Claire Mottet
Avec 5 voix :
retour d’obsèques
prise entre les essuie-glaces
une feuille sèche
Véronique Viala
J’ai opté pour ce haïku pour son originalité et sa justesse. Ici le contraste est saisissant, entre la lourdeur du rituel funéraire et le retour à la vie quotidienne après avoir fait face à la mort. La « feuille sèche » prise entre les essuie-glace agit comme un profond rappel sur la nature éphémère de la vie. Un instantané précieux.
Nicolas Giacchero-Amat
Ce haïku m’a immédiatement saisie. Je trouve le lien entre la L1 et la L3 d’une grande beauté. Il m’évoque la tristesse et les larmes liées au deuil que l’on sèche après la cérémonie. En même temps qu’une scène très réaliste du cortège funèbre qui rentre en voiture peut-être pour se retrouver ailleurs qu’au cimetière, ces mots disent implicitement le cœur serré comme une feuille sèche, les sanglots retenus dans les essuie-glaces. J’adore ce contraste entre un objet très prosaïque et l’émotion. Enfin, j’aime beaucoup le « sèche » à la fin qui peut être l’adjectif ou le verbe. Bravo à l’auteur ou à l’autrice !
Christine Boutevin
Cette feuille sèche : comme un pense-bête laissé pour ceux qui restent. Il a bien été capté.
Patrick Chomier
Parce que je l'ai vécu cet été.
Annie Reymond
Très beau haïku, triste et imagé. Avec le rapport entre la mort et la feuille sèche. La pluie à l’image des larmes, ou des yeux embués. Un haïku plein de finesse et assez bouleversant en fait dans sa pudeur expressive.
Natacha Carle-Bezsonoff
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