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Kukaï de Lyon, jeudi 15 juin 2023
Ginkô pique-nique au Parc de La Cerisaie
« Tout le monde la croit rousse »
et/ou
« Ce que je trouve, je l’avais perdu »
Participants : Jean Antonini, Jacques Beccaria, Danyel Borner, Marcelle Botto, Patrick Chomier, Robert Gillouin, Catherine Guillot, Christian Lherbier, Catherine Pigeon
Le parc de la Croix-Rousse, un peu plus peuplé que d’habitude mais sitôt quelques pas engagés dans les allées, le vent et les parfums sont les inspirateurs de nos carnets gourmands. Autour de « Mimi », une sculpture contemporaine de Markus Raetz (14 blocs de granit pouvant représenter une personne couchée sur le côté) nous lisons nos haïkus au terme de ce partage.
Je noie mon amertume
dans celle de ma bière
Demain sera autre
Sous le poivre et le sel
le cuivre résiste
Vieillir, mais plus tard
Mes pensées s’égarent
dans la vapeur du thé
Prendre le temps
Rire aux éclats
Le crabe s’incline
pour la soirée
Catherine Pigeon
Trouvé ou perdu ?
faire ressortir le cœur et
la joie de juin
pas de haïku en vue -
je regarde mon iPhone
plein de messages
l'allée asphaltée
encercle la pelouse
– arrivée de l'été
oiseaux et chansons
des années 60 – oh !
ach'ter des nu-pieds
Jean Antonini
Julie la Rousse
Ce nom que j'avais oublié
Julie la Rousse
Jacques Beccaria
Elle assise lui debout
l’un contre l’autre
leurs deux vélos
Tout l’or rouillé
le boxer cherche et trouve
un vieux jouet bleu
Soleil couchant
une sphinge sans tête
monte la garde
Catherine Guillot
cette lune
blanche comme ma Heineken
sous la mousse
un doryphore
dans les salades
sans contrefaçon
à mi-chemin
ma moitié
je la double
de l'eau sur Mars !
déjà qu'il n'y a plus de Volvic
chez Auchan
Patrick Chomier
ombre des marronniers
les petites pierres brunes
sous mes pieds nus
au cœur du vent
la conversation des buis
chaleur des pierres
en contrebas
le silence troué de cris
course du lierre
la gorge fauve
du moineau sautillant
poteau 109
deux papys à canne
discutent de karaté
autour du parc
Danyel Borner
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Kukaï de Lyon, jeudi 25 mai 2023
« Ma relation à l'autre, ma relation aux autres »
Animateur : Patrick Chomier
Participants : Béatrice Aupetit-Vavin, Irène Chaléard, Catherine Guillot, Christian Lherbier, Marcelle Botto, Nicolas Giacchero-Amat, Jacques Beccaria, Danyel Borner
Comme à chaque animation, je prends le temps d' établir les conditions favorables (le plus apaisé, le plus disponible possible) à la réception du thème du soir afin de percevoir les émotions, les sentiments qu'il provoque avant que le mental ne l'accapare, pour ensuite pouvoir tirer le fil.
TGV bondé
les yeux se croisent, s'évitent
se croisent – Adieu
Irène Chaléard (4 voix)
jour d'arrosage
à mon passage il s'arrête
sourires
Irène Chaléard (3 voix)
Un bouquet de roses
du jardin de mon amie
je ne suis plus seule
Marcelle Botto (3 voix)
À force de mots
je ne l'entends plus
ma voisine
Marcelle Botto (2 voix)
Un souvenir
Ou le souvenir
D'une photo ?
Jacques Beccaria (2 voix)
Avec 1 voix :
Je garde d'eux / Des mots des images / Mes professeurs
Jacques Beccaria
je me suis perdu / dans la nuit de tes cheveux / je me suis trouvé
Danyel Borner
Kukaï / il porte son attention / à l'écoute
Patrick Chomier
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Kukaï de Lyon, 27 avril 2023
« Haïku tendre et âge de moi »
Animation : Danyel Borner
Avec : Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Marcelle Botto, Patrick Chomier, Robert Gillouin, Annie Reymond, participation écrite de Jean Antonini et Nicolas Giacchero-Amat
Quelle que soit notre approche du haïku, antérieure ou connexe à une fréquentation de kukaï, nous écrivons des textes qui parlent au plus près de notre ressenti immédiat. Nous savons par chance faire également remonter des souvenirs et les livrer avec une fraîcheur qui souvent nous surprend si les mots, l'image sont parfaitement justes.
Une première partie de lecture et échanges d’un ou deux tercets révélant un moment précis dans le parcours de chacun (clairement tel haïku n'aurait pas pu être écrit bien avant ou bien plus tard), des sensations qui reviennent ou se superposent. Exemples de haïkus et senryū en recueil.
Ensuite kukaï classique, proposition et choix de deux haïkus avec en sus le thème « Gourmandise » dans au moins un des textes.
Chocolat bien chaud
dans mon bol à oreilles
j’en rêve ce soir
Annie Reymond (2 voix)
Tartines grillées
et confiture de fruits rouges
mes mains d’enfant
Nicolas Giacchero-Amat (2 voix)
mon chagrin
dissous
en un éclair
Patrick Chomier (2 voix)
fidélité
il préfère la religieuse
à l’amante
Patrick Chomier (2 voix)
même recette
gâteau d’enfance
pas même saveur
Béatrice Aupetit-Vavin (1 voix)
tapis de Ghardaïa –
l’ai acheté à trente ans
m’a fait voler
Jean Antonini (1 voix)
Cette fontaine
Sur la place du village
Un mirage ?
Jacques Beccaria (1 voix)
sous mes pieds
les pas de mon père
résonnent encore
Robert Gillouin (1 voix)
Que murmurent les camélias
dans le vent
et la nuit étoilée
Nicolas Giacchero-Amat (1 voix)
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Kukaï de Lyon, jeudi 6 avril 2023
« Et parfois, on mange et on boit »
Animation : Jacques Beccaria
Avec : Béatrice Aupetit-Vavin, Danyel Borner, Patrick Chomier, Nicolas Giacchero-Amat, Catherine Pigeon
Nous rédigeons un texte sur nos préférences culinaires : aliments, boissons, plats, repas, ou encore vaisselle, cadre, lieux. Qu’est-ce que cela nous évoque ? Nous lisons nos productions devant le groupe en échangeant remarques et commentaires. Sur ce thème, nous proposons ensuite deux tercets avec le déroulement habituel : lecture silencieuse des poèmes non signés et sélection (on en retient deux).
soirs d’été
la valse de la berthe à lait
dans les mains de mon frère
Béatrice Aupetit-Vavin (2 voix)
Carême
je retrouve le goût
du peu
Patrick Chomier (2 voix)
Un dessert blanc
Agréable à la vue
Comme la lune
Jacques Beccaria (2 voix)
Cinq heures
l’odeur du pain frais
rue Rossini
Nicolas Giacchero-Amat (2 voix)
Au menu
radis et roquette
Brasserie la Côte d’Azur
Nicolas Giacchero-Amat (1 voix)
les voix s’entremêlent
par-dessus la table
Penser au fromage
Catherine Pigeon (1 voix)
cadeau de Mamy
pour mes petits doigts gluants
les bananes séchées
Danyel Borner (1 voix)
fondre de plaisir
avant même de les goûter
ses petits fondants
Béatrice Aupetit-Vavin (1 voix)
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Kukaï numérique de mars 2023
« Frontières »
Animateur : Danyel Borner
Participants : Jean Antonini, Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Marcelle Botto, Christine Boutevin, Natacha Carle-Bezsonoff, Irène Chaléard, Patrick Chomier, Anne Coupannec, Matthieu Garrigue, Nicolas Giacchero-Amat, Robert Gillouin, Catherine Guillot, Marie-Gabrielle Montant, Claire Mottet, Catherine Pigeon, Annie Reymond, Franck Rollier, Véronique Viala
En mars, pléthore de rendez-vous sur scène, rencontres, galeries, festivals… Cette édition de kukaï numérique est donc la bienvenue pour faire courir nos jambes autant que nos plumes. Quelques nouvelles ou anciennes signatures se joignent à nous pour le thème « Frontières » au sens le plus large.
juste derrière
la barrière de corail
un autre monde
Annie Reymond (5 voix)
Coteau
Ce mot me faisait rêver
Enfant
Jacques Beccaria (5 voix)
journée calme
simplement la vie
qui me traverse
Véronique Viala (5 voix)
rideau de grêle
à dix-sept heures trente
on ferme la journée
Danyel Borner (4 voix)
90 ans
elle voyage encore –
dans ses souvenirs
Béatrice Aupetit-Vavin (3 voix)
Coquille vide
rejetée par l’océan
sur le sable… FIN
Irène Chaléard (3 voix)
En face quelqu’un
me regarde peut-être
entre nous l’Atlantique
Irène Chaléard (3 voix)
jardin de Jytte
le merle vient voir la tête
de l'étranger
Jean Antonini (2 voix)
les troncs des pins
font monter le regard
vers le ciel
Jean Antonini (2 voix)
Ma main sur la table
La tienne si proche
Entre, tant de colère
Catherine Pigeon (2 voix)
Si rouge la groseille
Si dense la ronce
Soupir de mes six ans
Catherine Pigeon (2 voix)
Je ne sais où aller
juste une ombre errante
les cloches de Shikoku
Nicolas Giacchero-Amat (2 voix)
Entre toi et moi
Un mur de silence
M’aimes-tu encore ?
Marcelle Botto (2 voix)
Le visage sec
l'enfant sur la muraille
En équilibre
Marie-Gabrielle Montant (2 voix)
les bourgeons éclosent
les obus éclatent
sous le même soleil
Claire Mottet (2 voix)
soirée football
ils accélèrent, se faufilent
pour livrer les repas
Patrick Chomier (2 voix)
"voie privée"
illettrés
les flocons de neige
Véronique Viala (2 voix)
Avec 1 voix :
chocolatine / ou pain au chocolat / le Sud-Ouest a ses limites
Natacha Carle-Bezsonoff
mars aux Célestins / les magnolias sont témoins / l’hiver cède la place
Matthieu Garrigue
frontières invisibles / du sommeil au réveil / entre deux saisons
Anne Coupannec
Quelques graines dehors / qu’un pinson vient piqueter / Une vitre entre nous
Catherine Guillot
sous les barbelés / pensées sauvages et genêts / font les coquettes
au pied du mur / les pissenlits assoiffés / pour seuls compagnons
Christine Boutevin
maison d'enfance / le chat regarde l’enfant / que j’étais
Robert Gillouin
quelques touches de rose / sur le drapeau bleu et jaune / tendres magnolias
Béatrice Aupetit-Vavin
Heureux goéland / tout le ciel pour territoire / sans aile je l’envie
Irène Chaléard
poussant les volets / l'odeur du feu de bois / ravive mon enfance
Véronique Viala
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Kukaï de Lyon, jeudi 23 février 2023
« Ce qui se répète en moi, ce que je répète »
Animateur : Patrick Chomier
Participants : Béatrice Aupetit-Vavin, Annie Reymond, Jacques Beccaria, Catherine Pigeon, Irène Chaléard, Danyel Borner, Nicolas Giacchero-Amat, Marcelle Botto
Nous poursuivons notre confrontation bienveillante à nous-mêmes. Après le corps (atelier du 24 novembre dernier), nous abordons aujourd'hui le thème : Ce qui se répète en moi, ce que je répète. D'un point de vue formel, nous convenons de ne pas utiliser la répétition.
Le souvenir d'un visage
Insaisissable
Jacques Beccaria (3 voix)
Ce poème
Lu et relu
Jamais le même
Jacques Beccaria (3 voix)
Partir
j'attends toujours la vague
qui m'emportera
Marcelle Botto (2 voix)
chaque jour
de plus en plus vite
les aiguilles du temps
Béatrice Aupetit-Vavin (2 voix)
ici et là-bas
une musique
une muse
Danyel Borner (2 voix)
Avec 1 voix :
fenêtre ouverte / zieuter sans indiscrétion / les choses des autres
Annie Reymond
grande vitrine / mon reflet me fait fuir / sans retour
Annie Reymond
A l'heure creuse / fidèle au rendez-vous / les cygnes – mon petit fleuve
Nicolas Giacchero-Amat
Partir / printemps comme hiver / le monde est vaste
Marcelle Botto
liste du matin / le temps passe entre les lignes / … sans se presser
Béatrice Aupetit-Vavin
les pensées défilent / l'insomnie / ne s'endort pas
Patrick Chomier
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Kukaï de Lyon, jeudi 26 janvier 2023
« Hiver »
Animation : Jacques Beccaria
Avec : Béatrice Aupetit-Vavin, Danyel Borner, Marcelle Botto, Patrick Chomier, Nicolas Giacchero-Amat, Christian Lherbier, Catherine Pigeon
Nous écrivons un poème court sur le thème de l’hiver. Nous faisons tourner les feuilles et lisons tous les textes en préparant des commentaires. Enfin, nous lisons notre poème devant le groupe et nous échangeons nos remarques.
Les yeux encore fermés
J’entends le silence
Il a neigé cette nuit
Marcelle Botto
Le vent siffle,
gémissent les volets
Quand reviendras-tu ?
Catherine Pigeon
vitre nue
l’hiver l’habille
d’une dentelle de givre
Béatrice Aupetit-Vavin
Hiver ou été ?
Part fragile de ce monde
nous sommes le jardin
Danyel Borner
Les tilleuls givrés
au bout de la rue
à cloche-pied sous les étoiles
Nicolas Giacchero-Amat
Neige
Toute la soirée
Ma rêverie
Jacques Beccaria
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Kukaï de Lyon, jeudi 5 janvier 2023
Animateur : Jean Antonini
Participant.es : Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Danyel Borner, Marcelle Botto, Patrick Chomier, Anne Coupannec, Nicolas Giacchero-Amat, Robert Gillouin, Christian Lherbier, Catherine Pigeon, Annie Reymond
Pour commencer, nous regarderons des haïkus qui nous sont venus de façon improvisée et que nous n’avons appréciés que plus tard, à la relecture, en saisissant un jeu ou une référence que nous ne pensions pas y avoir mis. Que ce haïku soit du début de l’année ou d’une autre saison.
Dans Le haïku selon Bashō, on lit ceci :
« Prunier jeunes herbes
au relais de Mariko
la bouillie d’igname
Ce verset, je ne l’ai pas travaillé. Il m’est venu spontanément, et je me suis aperçu après coup qu’il était bon. Mais je ne puis affirmer que j’en ferai un autre comme celui-là. »
Pourquoi était-il bon ? le contraste entre la ligne 1 qui évoque le printemps et la ligne 3 qui ramène l’esprit à l’assiette à soupe ? Bashō dit aussi quelque part : « Dans un hokku, on doit sentir un va-et-vient de sens » ; n’est-ce pas le cas ici ?
2. Et ensuite, je vous propose de mener un kukaï sur des haïkus de saison : la fin de l’année, le jour de l’an et le début de l’année suivante. Si vous avez quelques poèmes de début d’année, apportez-les avec vous. Sinon, nous en écrirons.
Nous écrivons
une prose 1 qui indique les circonstances du haïku choisi
le haïku choisi
une prose 2 qui indique ce qui nous est apparu dans ce haïku.
Jean
C’était à Giverny, en avril, je crois. Les tulipes (des allées pleines de tulipes) étaient en fleur. Près de l’étang aux nénuphars, pas de nénuphars mais des visiteurs, des visiteuses.
jardin de Monet
pas un nénuphar sur l’étang
― mille visiteuses
Simple description, non ! Dans le kireji, le passage de l’absence des nénuphars réels aux nénuphars peints par Monet qui ont attiré les visiteuses, absents également… les uns et les autres occupant l’esprit des visiteurs, visiteuses. Jeu !
Danyel
Dans le train en direction du Marché de la Poésie en octobre 2021, jour du centenaire de Brassens, je griffonne mon carnet en regardant défiler le paysage. Il est assez tôt, me vient cette vision dans un restant de brouillard :
soleil pâle
les îlots fumants
des terres labourées
À l’aune de l’actualité depuis mars 2022 et depuis longtemps partout ailleurs, je repense à ce texte qui nous montre aussi de plus terribles tranchées, de plus insanes fumées dans des territoires où l’humain est moins considéré que les vaches broutantes de nos allers-retours culturels.
Annie
Une promenade d'été au parc de la Tête d'Or. Sur l'île du Souvenir je lis les longues listes de noms et inévitablement je pense à mon grand-père avec sa jambe ...
longues listes vieillies
son nom trouvé plusieurs fois
mon pépé poilu
Pour moi le va-et-vient de sens se trouve dans les mots « vieillies » et « poilu ». Malgré tout ce qu'il a enduré mon grand-père a réussi à vivre plus de soixante ans avec cette jambe raide qu'on ne remarquait même plus. Il a réussi à vieillir comme ces longues listes alors qu'il a été un très jeune poilu, et au milieu, tous ses compagnons qui sont restés jeunes à tout jamais.
Patrick
Jean donne la règle du jeu pour ce soir : enchâsser le haïku entre deux proses. Le silence se fait puis arrive le crissement des feutres et stylos.
rassemblés
autour de la table
nursery de haïkus
Après une deuxième lecture et une deuxième respiration voyons ce qu'il en est : rassembler et nursery vont plutôt bien ensemble. Si le haïku survit, on pourra dire qu'il s'agissait bien d'un premier jet créatif.
Marcelle
En séjour à Londres pendant l'épisode de froid je n'ai pu sortir qu'avec difficulté : trottoirs gelés, routes non déneigées... il m'est revenu le souvenir de nos glissades dans la cour de l'école où ces phénomènes étaient accueillis avec joie.
La neige gelée
Crisse sous mes pas craintifs
Oh saisons enfuies
C'est l'hiver, les années ont passé et ce souvenir me remplit de nostalgie.
Christian
Un été, pas loin de l'Océan, en semi-vacances, en un lieu où je gardais une exposition de peinture, plus souvent dehors que dedans. Entre deux arbres, j'avais une vue plongeante sur l'estuaire de la Gironde.
Face à l'estuaire
Au-dessus des carrelets
Un moment d'été
Facile, cliché, image d’Épinal me suis-je dit en relisant mon haïku. Écrit il y a au moins trois ans, jamais je ne l'ai proposé au kukaï. Ce soir, en le lisant, il m'a renvoyé là-bas, m'a réchauffé (ici il fait froid car pas de chauffage), il m'a évoqué des souvenirs, rappelé l'instantané d'un moment.
Béatrice
Peu de temps après le réveillon j’avais écrit le haïku suivant :
jour de l’an
il a fini dans la sauce
le réveil-matin
Mais j’ai pensé que ce n’était pas un bon haïku parce que l’image que je voulais traduire était celle d’un coq finissant à la casserole en coq au vin et que le lecteur penserait que c’était un vrai réveil-matin.
Dans un second temps je me suis imaginé la scène d’un réveillon bien arrosé où un vrai réveil-matin aurait fini dans le plat, ça m’a bien amusée et j’ai décidé de garder le haïku tel quel, laissant le lecteur faire sa propre interprétation…
… Mais dans un troisième temps j’écrirai plutôt :
fin de réveillon
il a fini dans la sauce
le réveil-matin
Robert
Six heures. J'émerge de mon sommeil. Rien ne bouge dans la maison. Par la fenêtre, la nuit sans lune. Je supporte le poids du silence.
pour quelques instants
vivre avec l'infini
de ce silence
Quelques jours plus tard, après plusieurs heures de marche au soleil du Vercors, je m'assois et contemple les falaises et leur silence. Ce haïku prend un autre sens, plus profond peut-être, plus positif... assurément.
Catherine
C’était il y a plusieurs années de cela, à une époque dont on ne peut mesurer l’insouciance relative qu’après avoir vécu les conséquences d’une crise sanitaire et d’une guerre en Ukraine.
J’assiste à une conférence proposée à des chefs d’entreprise. Le lieu qui nous accueille est vaste et agréable, avec une magnifique vue sur la verte tranquillité de la Saône. Même nombreux, cela nous a permis de nous répartir généreusement dans la pièce.
Si le thème de ce temps d’information est passionnant, l’intervenant l’est hélas beaucoup moins. La forme de son exposé est laborieuse et ennuyeuse. Le temps s’étire…
Petit à petit autour de moi je vois les participants prendre plus ou moins discrètement, qui son ordinateur, qui sa tablette, qui son smartphone pour surfer sur Internet. C’est un comportement que je trouve habituellement très impoli vis-à-vis des conférenciers. Mais, à bout d’ennui, je finis par me retrouver à en faire autant…
Écouter les envolées
du conférencier,
Un œil en coin sur mes mails
Reprenant ce haïku à l’occasion du dernier Kukaï, je continue de le juger comme sans grand intérêt dans sa forme. En revanche, je trouve que la situation décrite est (hélas ?) devenue un lieu commun des conférences et autres congrès auxquels il m’arrive d’assister. Je dirais donc que c’est un haïku pertinent dans son actualité, qui reflète bien les comportements en vogue. Enfin, grâce aux retours des membres du groupe, ce haïku s’est transformé pour devenir un distique :
Envolées du conférencier
Un œil en coin sur mes mails
Résultats du kukaï
semis de printemps
douze corbeaux alignés
devant l’épouvantail
Robert Gillouin (5 voix)
joies de Noël
parmi les convives
l’ombre d’une absence
Béatrice Aupetit-Vavin (3 voix)
Sur la branche la plus haute du noisetier
Toujours pas de nuages
Nicolas Giacchero-Amat (3 voix)
Pas même un flocon
pour le 1er jour de l’an
rien, rien, rien
Christian Lherbier (2 voix)
les jours grandissent
moi aussi et je t’écris
une dernière fois
Danyel Borner (2 voix)
solstice d’hiver
la lumière à l’intérieur
un feu
Anne Coupannec (2 voix)
Avec 1 voix :
J’ouvre la fenêtre / la nuit entre pleine d’odeurs / Poulet chez la voisine
Marcelle Botto
Le jour de l’An / Avec une cravate / Comme autrefois
Jacques Beccaria
premier matin / le vent souffle dans les pins / c’est le jour de l’an
Jean Antonini
les jours s’allongent / demain / j’achète une jacinthe
Annie Reymond
Une jambe de collants / et puis l’autre / Me voici par terre
Catherine Pigeon
paupières mouillées / cette nuit devient ton jour / première neige
Danyel Borner
premier jour de l’an / la joie d’être là et d’écrire / premier jour de l’an
Patrick Chomier
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Kukaï de Lyon, jeudi 15 décembre 2022
« Trouver son kigo de Noël »
Animateur : Danyel Borner
Participants : Patrick Chomier, Jacques Beccaria, Nicolas Giacchero-Amat
Comme chaque année, la séance de découpage issue du principe du cut-up dont les bases se retrouvent dans les archives du blog du Kukaï de Lyon. En essayant de moins verser dans la fantaisie et la rêverie propres à cet exercice, tentative après la petite collecte de mots d’une réponse haïku au thème donné à la dernière minute : « Kigo de Noël ». Selon son regard, une acception traditionnelle ou festive.
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Kukaï de Lyon, jeudi 24 novembre 2022
« Mon corps physique en novembre »
Animateur : Patrick Chomier
Participants : Béatrice Aupetit-Vavin, Annie Reymond, Irène Chaléard, Catherine Guillot, Nicolas Giacchero-Amat, Jacques Beccaria, Danyel Borner, Christian Lherbier
Le thème est donné en tout début d'atelier afin de laisser un temps d'intégration supplémentaire avant le temps d'écriture compte tenu de notre tendance à habiter le mental plutôt que le corps.
Différentes suggestions sont proposées concernant la sonorité du haïku. Nous évoquons également le livre de Christian Salman, L'Art du Silence (Ed. Les Liens qui Libèrent) qui distingue deux types d'écrivains selon leurs conceptions de la littérature, les ambianceurs et les acousticiens et la transcription possible dans l'écriture des haïkus.
onzième mois de l'an
la chair et le sang
de mes fantômes
Danyel Borner (4 voix)
note après note
pour la musique de mon âme
un nouvel écrin
Danyel Borner (3 voix)
petit matin frais
devant trois boutons de rose
mon sourire se fige
Irène Chaléard (2 voix)
Le bruit du monde
Dans le poste de radio
On peut l'éteindre
Jacques Beccaria (2 voix)
Paysage immobile
sous la crème de jouvence
la peau qui craque
Nicolas Giacchero-Amat (2 voix)
Les paumes gelées
au détour du carrefour
la ville tentaculaire
Nicolas Giacchero-Amat (2 voix)
Avec 1 voix :
IRM / qu'en dit mon genou / qui grince
Béatrice Aupetit-Vavin
putain de vieillesse / pointe son nez par tous les pores / je passe mon tour
Annie Reymond
vieux squelette / tas d'os mal articulé / drelin-drelin
Annie Reymond
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Kukaï de Lyon, jeudi 6 octobre 2022
« Se lever avec les poules, se coucher avec les boules (ou l'inverse) »
Animateur : Danyel Borner
Participants : Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Marcelle Botto, Irène Chaléard, Robert Gillouin, Nicolas Giacchero-Amat, Catherine Guillot, Christian Lherbier, Annie Reymond, Véronique Viala
Panique en ville avec une panne totale du métro... Patrick devant animer mais coincé vers chez lui par manque de bus relais m'appelle pour que j'anime à sa place. Me souvenant d'une mouche pénible la veille au soir et ce matin, titillé par l'ingorgo partout, j'improvise en vélo le thème suivant : « Se lever avec les poules, se coucher avec les boules (ou l'inverse) » sans les mots clefs de cette phrase. Matin et nuit féroces ou tranquilles, un kukaï de rentrée bouillonnant, tant citadin que champêtre...
sous mes pas
de-ci, de-là, quelques plumes
dans la rosée
Robert Gillouin (3 voix)
Le vide me fuit
et le sommeil avec
Panade
Catherine Guillot (2 voix)
Le bec sous l’aile
le nez dans l’oreiller
se cacher pour s’envoler
Catherine Guillot (2 voix)
aube brumeuse
aucun pli sur l’étang gris
soudain une foulque
Irène Chaléard (2 voix)
des fois je me dis
le matin
ouvrir les yeux ?
Annie Reymond (2 voix)
Ratures
Et si les brouillons
étaient des poèmes
Véronique Viala (2 voix)
coq du voisin
fragile le silence
si courte ma nuit
Robert Gillouin (2 voix)
Avec 1 voix :
chant du coq / cri de ma mère / quand lui tordra-t-on le cou ?
Marcelle Botto
Insomnies / idées noires en boucle / attendre le jour
Christian Lherbier
petit jour / le chien du voisin / le trucider
Béatrice Aupetit-Vavin
Une île / plus petite que mon cerveau / Crépuscule de joie
Nicolas Giacchero-Amat
Ciel bleu / Sécheresse / Mes livres jaunissent
Jacques Beccaria
sur le goudron / un bouquet parfumé / crottes de chevreuil
Véronique Viala
la mouche amoureuse / j’ouvre un paquet de café / fraîchement moulu
Danyel Borner
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Kukaï numérique de septembre 2022
«Intérieurs »
Animateur : Danyel Borner
Participants : Jean Antonini, Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Marcelle Botto, Christine Boutevin, Natacha Carle-Bezsonoff, Irène Chaléard, Patrick Chomier, Anne Coupannec, Laurence Fischer, Robert Gillouin, Catherine Guillot, Claire Mottet, Annie Reymond, Valérie Rivoallon, Véronique Viala
Pour cet atelier virtuel de pré-rentrée, je vous propose, non pas de faire comme si tous les évènements et contextes de cet été n'avaient pas existé, mais de relever dans vos derniers carnets ou votre mémoire des haïkus sur ce qui vous a traversé entre juin et septembre sans tenir aucun compte de la météo, de l'actualité du monde terrestre et intergalactique. Juste vous, à un moment donné, avec toute la richesse de votre intériorité. Un titre pour cette séance (emprunté à un film bergmanien de Woody Allen) : Intérieurs … Cependant pas que des sentiments personnels, bien évidemment la vie, dans votre regard.
lancinante
lancinante cette douleur
lancinante
Patrick Chomier (5 voix)
parfums du verger
l’amitié sur la terrasse
sans modération
Danyel Borner (5 voix)
brin de nostalgie
ce chiendent que j'arrache
et qui repousse
Irène Chaléard (4 voix)
Je regarde la lune
La lune me regarde
Rien ne change
Jacques Beccaria (4 voix)
Enchères au tarot
Leurs yeux brillent
Mamé tu vas perdre !
Marcelle Botto (4 voix)
nuit d’été
juste vêtue
d’un voile d’eau
Natacha Carle-Bezsonoff (3 voix)
Par la porte ouverte
toute la maison respire
parfums d'herbe
Catherine Guillot (3 voix)
plaisir de palmer
parmi les poissons
pourquoi penser
Annie Reymond (2 voix)
mouche morte
poids : à peine un gramme
fin de l’été
Jean Antonini (2 voix)
Mer de Barentsz
Depuis le ciel un cargo
Enfin je crois
Laurence Fischer (2 voix)
envie brutale
de silence
je pars respirer le vent
Robert Gillouin (2 voix)
préparer des meringues
et si le monde n’était qu’une illusion
Natacha Carle-Bezsonoff (2 voix)
Avec une voix :
le bruit de l'eau / sur les bouteilles en plastique – / peut-être une visite
devant les tombes / stationnement interdit / pour les pots de fleurs
à côté de moi / parfum de fleurs d'oranger – / l'exil en partage
Christine Boutevin
chambre jaune / éclipse derrière le balcon / chambre bleue
fulgurance bleue / mon amertume envolée / un martin-pêcheur
Claire Mottet
Fenêtres ouvertes / la respiration de l’herbe / rafraîchit mon thé
Catherine Guillot
fleur de yucca – / chaque jour / m'émerveille
Valérie Rivoallon
circulation en accordéon / dans l’habitacle / des chansons françaises
Véronique Viala
trop vite rangée / la valise des vacances / mes culottes sèchent
Annie Reymond
je me lave les dents / ce moi qui m’accompagne / c’est aussi le vôtre
Jean Antonini
envol du faucon / il est bien maigre ce soir / le cheval qui tousse
Danyel Borner
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