CR saison 2023 / 2024

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Kukaï de Lyon, jeudi 4 janvier 2024


« Poème et prose de début d’année »


Animateur : Jean Antonini

Participants : Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Danyel Borner, Marcelle Botto, Patrick Chomier, Nicolas Giacchero-Amat, Catherine Guillot, Christian Lherbier, Catherine Pigeon, Margot Pommier


Première séance de l’année, Jean propose un atelier en deux temps. Avec des haïkus du nouvel an apportés par tous et après une première lecture d’exemples de textes de Bashō, nous rédigeons par petits groupes une forme plutôt courte où prose et haïkus se mêlent. Une prose poétique, la plus libre possible. Nous faisons ensuite un kukaï traditionnel à un seul tercet avant de nous réchauffer de gourmandise.


Groupe Jean + Nicolas + Bashō (proposé par Jean) :


lune et neige

mes seuls compagnons de l’année –

fin de l’an


- Mon cher Bashō, que dirais-tu d’une petite salade d’endives…

- Oh ! une trattoria dans la ruelle à gauche…


désorienté par la lampe

un papillon de nuit

tape à la fenêtre


- Laissons venir à nous les papillons de nuit… c’est un sphinx tête-de-mort !

- Avec qui je passe la nuit du réveillon ?

- Avec la lune et la neige. Pas beaucoup de neige ce soir.

- Et demain encore ?


Laisser couler l’eau

lentement sur le sachet de thé

c’est l’hiver


- Cher Bashō, comment trouves-tu ce thé en étant loin de chez toi, que vois-tu ?

- J’aime bien voyager, dans ce haïku par exemple :


dans les rizières

le va et vient des paysans

voyageur est mon nom


- Seul ou en compagnie ?

- C’est un plaisir d’être ensemble.

- Les jours de l’an se ressemblent et pourtant jamais les mêmes.


Groupe Catherine P + Jacques + Danyel :


Enfance évanouie, un rêve de neige. Des amis nouveaux d’une nouvelle vie. Un souffle ou une gifle de vent donnent envie d’écrire. Il y a tant de façons de partager une lumière, intérieure ou bain d’ombres et de sourires.


métro de nuit

les escarpins fatigués

dans ses petites mains


Entre crépuscule et aube, quelques flocons pour traverser le Rhône, seul.


Groupe Marcelle + Catherine G + Christian :


Un peu de nuit

un peu de neige

sur le jasmin d’hiver


Champagne et résolution

rien ne brille dans ses yeux

Nuit du Nouvel An


Au matin

pas encore de traces de pas

La visite du bourdon

dans les roses de Noël


Groupe Béatrice + Margot + Patrick :


jour de l’an

en y réfléchissant

triste comme un soir d’automne


« Certes, mais en y réfléchissant bien, c’est une année de moins que l’an prochain ! »


kukaï

champagne et galette

quatrième jour de l’an


***


Kukaï :


Douze coups de minuit

les bulles pétillent

sans moi

Catherine Pigeon (5 voix)


aube du nouvel an

le chasse-neige a balayé

les idées noires

Béatrice Aupetit-Vavin (3 voix)


trois sapins

sur le parking

Épiphanie

Patrick Chomier (2 voix)


Ce matin j’ai remonté

Mon vieux réveil mécanique

Tic-tac tic-tac

Jacques Beccaria (1 voix)

 

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Kukaï de Lyon, jeudi 9 novembre 2023


« Maux de saisons »



Animateur : Danyel Borner

Participants : Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Marcelle Botto, Irène Chaléard, Patrick Chomier, Nicolas Giacchero-Amat, Catherine Guillot, Christian Lherbier, Caroline Martinez, Catherine Pigeon


Clin d’œil ou hommage à cette constante du haïku japonais classique, issu des almanachs de mots de saison, nous traiterons dans un premier temps de choses plus ou moins personnelles qui nous paraissent surprenantes, lassantes ou pénibles dans une ou plusieurs saisons, sous la forme d'un texte de quelques lignes, en prose ou un haïbun. Ensuite, kukaï traditionnel avec deux haïkus différents du premier texte. Sur les deux tercets, pas plus d'une saison citée nommément et plus volontiers suggérée. Nous aurons ainsi en quelque sorte un mini saïjiki de nos préférences et agacements saisonniers.


J’aimais bien, en ce temps-là, le mois de septembre : raisin blanc, poires, soleil adouci, et les marronniers de la place Bellecour.

Jacques Beccaria


Maux de saison


Depuis plusieurs années, à chaque fois, c’est la même chose. Arrive inévitablement le moment où, d’après le calendrier, l’été devrait tirer sa révérence, la chaleur s’estomper, la pluie revenir. Mais il n’en est rien et, bien au contraire, le beau temps joue les prolongations…

Il est alors attendu de chacun, de chacune, la seule posture écologiquement recevable : s’insurger publiquement des désastres causés par ces conditions estivales qui s’attardent et réclamer haut et fort le froid et le ciel gris. Dont acte.

C’est donc alors du bout des lèvres que je me risque à évoquer, sans vraiment oser m’adresser directement à qui que ce soit, mon amour du soleil, du ciel bleu, des tenues légères et des soirées en terrasse. Ou comment avoir l’impression d’énoncer des grossièretés, ce qui n’était que lieux communs il y a si peu de temps encore…

Catherine Pigeon


Ce soir, pas de parapluie ! Des gouttes sur le visage, des pensées perçant l’épaisseur de la terre sous nos pas...


De flaques éparses

en lacs clairs –

Avec de la menthe

Catherine Guillot


Drôle de Drôme

Pour une fois on sort de Lyon. J’ai douze ans, besoin de voir un autre air et de respirer en couleur. Petite visite à Valence où est née Mamy, prévision du Palais du facteur Cheval dont j’ai vu des photos noir et blanc avec mes parents jeunes bien avant ma naissance. Pour lors, Dieulefit, cité des potiers et des Justes, juste à côté de Poët-Laval village d’un copain d’école.

Comment décrire cette épreuve ? Au bout de quelques jours, je sens que je suis habité par une poivrière. Entre les poteries, sous l’œil noir des artisans locaux qui ont peur pour leur art, me viennent des salves d’éternuements par lot de dix, quinze, vingt… Tout l’hôtel, les ruelles, vibrent de puissantes déflagrations qu’on est en peine de croire sortir d’un si malingre môme. Prévu en concert la semaine à venir, l’affiche de Manitas de Plata me regarde courroucée. Serais-je un concurrent déloyal ? Il faut bien en convenir, la fuite est le seul salut.

Atchaaa

Atchaa Atchaaa Atchaaaa

le bleu des lavandes

Danyel Borner


***

nu sur le lit nu

on voudrait laisser sa peau

au vestiaire

Danyel Borner (4 voix)


Avec 3 voix :


angoisse au marché

du céleri sur chaque étal

encore la saison !

Irène Chaléard


Froissement des feuilles

Sous mes pas pressés

Il est long le chemin de l’école

Marcelle Botto


automne

trouver le printemps

dans la lumière

Béatrice Aupetit-Vavin


Avec 2 voix :


« avec ce temps

on sait plus comment s’habiller »

premier contact

Patrick Chomier


Paris ligne 13

la plage

au bout du quai

Nicolas Giacchero-Amat


Boules de neige

et rires d’enfants

J’ai oublié mes gants

Catherine Pigeon


Avec 1 voix :


À chaque pas | la croûte de glace crisse | une douce pesanteur

Caroline Martinez

Palombaggia | l’ombre des pins parasols | sur mes avant-bras

Nicolas Giacchero-Amat

ronron en boucle | des vieux films en noir et blanc | le ciel en osmose

Irène Chaléard

 

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Kukaï de Lyon, jeudi 5 octobre 2023


« La Dignité »


Animateur : Patrick Chomier

Participants : Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Danyel Borner, Marcelle Botto, Nicolas Giacchero-Amat, Robert Gillouin, Christian Lherbier, Catherine Pigeon


En cette rentrée, nous choisissons comme thème pour le kukaï : La Dignité.

Bien entendu, il ne s'agit pas de donner son opinion sur l'actualité : les guerres, les migrants, etc mais bien de retrouver et traduire en haïkus des scènes de nos vies personnelles où ce sentiment (deux versants possibles) a été ressenti.



grandir

seul avec Cyrano

lire et relire

Danyel Borner (3 voix)



Avec 2 voix :

 

La porte claque

dans son dos,

je ne pleurerai pas

Catherine Pigeon


messe d'enterrement

un rire étouffé

pris pour un sanglot

Béatrice Aupetit-Vavin


Mariage de Tonton

je préfère passer mon temps

avec le chien

Nicolas Giacchero-Amat


Mélancolie d'octobre

Il manque deux boutons à ma chemisette

Jacques Beccaria


Avec 1 voix :


Feuille blanche / tenter un HAIKU / Puis s'abstenir

Soutenir l'effort / Pas à pas jusqu'à l'arrivée / Sous les regards

Christian Lherbier

Pas un mot / Sous la violence de l'insulte / Il garde le silence

Marcelle Botto

ma grand-mère / jamais une plainte / et pourtant

Béatrice Aupetit-Vavin

se priver / mais avec des pâtes Rummo / faim de moi

Danyel Borner

lentement le vent / remue l'ombre du sapin / abattu

Patrick Chomier

 

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Kukaï numérique de septembre 2023


« Histoires d’eau »


Animateur : Danyel Borner

Participants : Jean Antonini, Béatrice Aupetit-Vavin, Jacques Beccaria, Marcelle Botto, Christine Boutevin, Natacha Carle-Bezsonoff, Irène Chaléard, Patrick Chomier, Nicolas Giacchero-Amat, Robert Gillouin, Claire Mottet, Annie Reymond, Véronique Viala


Thème de ce kukaï numérique de rentrée : « HISTOIRES D'EAU », pas tant pour le jeu de mot que pour la plus grande de nos préoccupations.

Nous avons tous, des fonts baptismaux (pour les plus hypermnésiques) au dernier plouf en crique déserte (pour les chanceux), des souvenirs, des ressentis, des passions personnelles ou partagées pour l'élément liquide qui nous constitue en majeure partie. Laissons remonter ces eaux (au grand maximum une seule citation du mot "eau" pour vos trois haïkus, merci).



Avec 1 voix :


la nuit est tombée

la Saône continue de couler

vers la mer

Jean Antonini


J'habite tout près de cette rivière. J'adore me faire balader par ma chienne Caouette le long de ses quais et de ses chemins de halage. Et en la regardant couler, bien souvent je me dis que j'assiste toujours au même spectacle... et pourtant… Et là, j'apprends que, même la nuit, le spectacle continue !

Robert Gillouin


saison sèche

des villages abandonnés

au camion citerne

Natacha Carle-Bezsonoff


J’ai choisi ce haïku d’abord pour sa chute qui me plaît beaucoup et fait tellement écho à des événements d’actualité : les villages des Pyrénées orientales privés d’eau, les jardins qu’on ne peut plus arroser à cause de la canicule précoce. J’aime beaucoup aussi ce haïku parce que jusqu’au mot « citerne », j’ai eu dans la tête des images de guerre, d’exil et ce dernier mot vient et me fait réinterpréter le sens.

Christine Boutevin


rivière

la vie lentement

suit son cours

Robert Gillouin

 

J’apprécie particulièrement la concision de ce haïku si expressif avec le double sens sur le mot cours : cours de la rivière, cours du temps. Simplicité et finesse. La concision rend bien aussi la longueur du temps, à la fois lent et inexorable dans son déroulement. 

Natacha Carle-Bezsonoff


derniers coups de rames

silence sur le lac

vol des oies sauvages

Claire Mottet


Ce haïku est très poétique comme une bulle de douceur qui apporte une sensation de sérénité et de fraîcheur.

Irène Chaléard


La voix de l’eau

dans ma tête

coule

Nicolas Giacchero-Amat


Et même super cool - 8 syllabes. Certes en première lecture, on perçoit un haïku de rentrée avec juste une phrase coupée en trois cependant ici (ce qui n'est pas le cas, pour moi, dans les autres haïkus courts - 12 syllabes maximum - de cette série) ces 2 césures dues au passage à la ligne créent un espace qui apporte vraiment quelque chose au haïku et me donne l'espoir qu'un jour prochain (ou probablement un peu plus tard) nous, occidentaux, puissions avoir accès au Ma.

Patrick Chomier


Courir sur la grève

chahutée par les vagues

Devenir la mer

Marcelle Botto


Très évocateur pour moi ce haïku m’inspire un retour à l’état sauvage, à l’expérience de liberté absolue. Au cours de la lecture, on change de perspective, puisqu’un passage s’opère, une métamorphose. D’un état à un autre, la mince frontière entre identité intime et monde extérieur se dissout.

Nicolas Giacchero-Amat


le manège tourne

sous la pluie de septembre

le beau Danube bleu

Véronique Viala


J’aime le rythme ternaire, circulaire, de valse, de ce haïku, qui s’écoule bien, tout en restant dans le thème. 

Claire Mottet

averse bienfaisante

les graminées dansent

une javanaise

Béatrice Aupetit-Vavin


D'une averse l'autre. Ha ! La javanaise d'une graminée  … Et ce féminin me plaît et me surprend comme pour le mot giboulée - une longue histoire de mon enfance.

Annie Reymond


clairs et légers

mes rêves traversent

la rivière

Béatrice Aupetit-Vavin


Rêves clairs et légers. Quelle chance! La rivière est ici soit le symbole de l'impossible, de l'inatteignable, soit l'image d'un don. Mes rêves, je les abandonne, ils s'en vont... de l'autre côté de la rivière.

Robert Gillouin


au pied du mur

les pissenlits assoiffés

pour seuls compagnons

Christine Boutevin


J'ai tout de suite imaginé la scène, un être accablé par la chaleur, immobile assis dans l' air brûlant quand tout mouvement est une épreuve, à l'heure où chacun reste à l'ombre en quête de fraîcheur. Que fait-il là ? J'aime bien lire ce haïku avec le « p » qui revient à chaque ligne.

Irène Chaléard

parfum vespéral

Vivaldi à toute allure

dans le bain moussant

Christine Boutevin


Un condensé d’images qui m’a tout de suite frappé. Je vois le bain bouillonner et ébullir, son auteur tout pris qu’il est par cette course effrénée, presque folle du Concerto Vivaldien.

L’espace sensoriel/bien être du bain parfumé pulvérisé ! Le pouvoir de la musique a sculpté l’élément liquide peut-être…

Nicolas Giacchero-Amat


des/espoirs de pluie

dans le plissé de sa jupe

le ciel étoilé

Christine Boutevin


Beau poème érotico-poétique.

Marcelle Botto

Avec 2 voix :

Au marché des Tupiniers

La tête vide

Parmi les pots et les bols

Jacques Beccaria


Quel humour, avoir la tête vide comme les pots et les bols ! Et le marché des Tupiniers manquait au haïku lyonnais ! Le haïku est 7-4-7.

Jean Antonini


Quand on connaît l’étymologie du mot « tête », ce haïku est encore plus amusant. La tête vide, la tête creuse, la tête qui a tourné ? C’est un haïku qui ne se prend pas trop au sérieux, et j’ai aimé la sonorité du mot « tupinier ». 

Véronique Viala


JE SAIS PAS NAGER

en riant ils me balancent

par-dessus bord

Patrick Chomier


Je n’ai heureusement pas connu cela, mais voilà un texte qui me touche et me met dans la même colère qu’une scène du film La Meilleure Façon De Marcher de Claude Miller vu à sa sortie en 1976. Les protagonistes étaient de jeunes adultes mais on sait que les plus jeunes encore sont tout aussi empreints de cette bêtise dangereusement ordinaire que peut produire l’effet de groupe et que l’on ne cesse de voir se répandre à l’école et désormais sur les réseaux sociaux. La première ligne en majuscule amplifie le cri, c’est glaçant.

Danyel Borner


J’ai apprécié la formulation en majuscules qui traduit bien l’impact du vécu de l’instant.

Béatrice Aupetit-Vavin


Seul

mes mots-pluies

sur la page froissée

Nicolas Giacchero-Amat


Forcément, je suis touché. La forme épouse le propos, 1-3-5, une goutte, puis trois, puis cinq sur la page. Une lettre reçue, une lettre écrite et réécrite ? Pleurs, sueur de forgeur de mots ? La condition de poète, sensible au monde et tentant d’en transcrire un substrat tient dans ces quelques mots. Une musique aussi.

Danyel Borner


Un poème court... Tableautin romantique ou scène de genre : solitude, écriture, lecture et relecture. La forme est triangulaire, bien taillée. Sur un support, il y a des mots et au-dessus, quelqu’un. « Mots, page » d’un côté, de l’autre, « pluies, froissée ». L’écrit est lié à l’élément liquide, la pluie, et par association d’idées à l’encre et peut-être aux larmes : on peut y voir de la mélancolie, mais aussi la sérénité de l’artisan appliqué et persévérant.

Jacques Beccaria


semblant d'orage

beaucoup de bruit pour rien

dans le seau trois gouttes

Irène Chaléard


Qu’il est sonore ce texte ! Je les entends ces gouttes dans le seau que j’imagine en fer. Trois notes de pluie, mais un grand vacarme. La vie, en somme et nous humains qui râlons si souvent pour pas grand chose… un vrai haïku, simple et profond, avec une sensation, la nature, une construction classique… j’aurais aimé l’écrire, comme disent les copains… 

Véronique Viala


J’ai choisi ce haïku (même si j’aurai personnellement formulé la troisième ligne en inversant par « 3 gouttes dans le seau ») mais j’en ai apprécié la première ligne et surtout la ligne 2 « un bruit pour rien » souvent employé au figuré qui l'est ici judicieusement employé au sens propre.

Béatrice Aupetit-Vavin


ce creux caillouteux

il y avait là un lac vert

l'automne dernier

Irène Chaléard


Ce n'est plus une menace lointaine. On peut voir de fait les effets du changement climatique avec non seulement la modification du paysage mais aussi la disparition des couleurs associées au lieu.

Marcelle Botto


Le haïku permet de dire les choses les plus fortes avec les mots les plus justes. Le choix du « creux caillouteux » que l’on voit autant qu’on peut le ressentir sous les pieds, la beauté du souvenir du « lac vert » et l’emploi de la saison qui symbolise le wabi-sabi. Absolument parfait dans sa métrique, son propos et la force de son constat désolant.

Danyel Borner


Avec 3 voix :

 

Brasse coulée

la voix de mon père

m'apprenant à nager

Marcelle Botto


Ce haïku est du même style que celui de “la source”, associant un souvenir à une expression mais ici, la relation est plus évidente. L’adjectif “coulée” apporte une touche d’humour à ce souvenir d’apprentissage avec le père. Le haïku est 3-5-6.

Jean Antonini


Ce haïku me parle, en écho à ma mémoire, ma mère m'apprenant des rudiments de brasse. La forme 4/5/6 me plaît; elle avance comme le mouvement de la nage…

Irène Chaléard


Avec ce haïku, je sens l’ambivalence, un côté désespoir avec la « brasse coulée », et peut-être affectueux ou mélancolique avec la voix paternelle ? Simple et complexe à la fois.

Claire Mottet



« la source »

le jour où j’ai découvert

l’histoire de mon nom

Danyel Borner


Ce haïku a quelque chose de mystérieux en reliant l’expression « la source » et l’histoire d’un nom, et en même temps, la source est la métaphore du début d’une histoire : un jour particulier d’une histoire intime, fondatrice. Alors, le mystère ne semble pas si profond, mais l’ensemble est léger et grave à la fois. Le haïku est 2-7-5.

Jean Antonini

J’aime beaucoup le mot source. Il est à l’origine de… On remonte le temps ici pour « retrouver » une histoire, une étymologie, une explication… Le mystère subsiste, y a-t-il un lien entre le mot source et le patronyme de l’auteur, est-ce simplement le lieu où lui a été expliqué cette histoire ? On aimerait la connaître… 

Véronique Viala


J’ai apprécié le coté un peu mystérieux de ce haïku qui m’a donné envie d’en savoir plus. Aussi parce qu’il évoque un évènement précis, marquant et portant une charge émotive qui m’a renvoyé à l’histoire de mon prénom.  

Béatrice Aupetit-Vavin



averse d’été

dans mes bottes en caoutchouc

une grosse limace

Véronique Viala


Très visuel, saison bien évoquée avec cet enchaînement de cause à effet : la pluie, les bottes en caoutchouc, la limace… On y est.

Marcelle Botto


Parce que la limace est grosse !

Annie Reymond


Voilà un haïku narratif : une scène bien connue, racontée avec simplicité, mais très évocatrice ; on ressent bien cette grosse limace ! Il me touche aussi car il évoque des moments que j’ai vécus moi-même. C’est une façon de les revivre. 

Natacha Carle-Bezsonoff


Avec 4 voix :

 

à chaque orage

l'odeur du premier jardin

lumière dans les yeux

Danyel Borner


Bel hommage au pétrichor, ce vocable bizarre, qui renvoie au passé si présent de ma découverte des odeurs de mon petit jardin d'enfance sous la pluie…

Robert Gillouin


Ce qui m’a d’abord plu c’est la L2 : qu’est-ce que ce « premier jardin » ? Cela a suscité de la curiosité. J’ai pensé au jardin d’Éden, à Adam et Ève, au paradis. Mais quelle odeur pouvait-il y avoir dans ce jardin ? Puis j’ai pensé au jardin d’enfants comme si l’orage nous ramenait dans les souvenirs de ce jardin. Personnellement je n’ai pas eu de jardin enfant, mais l’image est tellement stéréotypée que c’est comme si j’en avais eu un, imaginaire du moins. Enfin, j’adore le lien entre la L1 et la L3 car pour moi la lumière est celle des éclairs de l’orage : quoi de plus fascinant que cette lumière venue du ciel !

Christine Boutevin


Une ambiance sacrée, originelle, qui rappelle également la fin du film « Soleil Vert ».

Patrick Chomier


J’aime «  l’odeur du premier jardin », c’est tout-à-fait ça ! il y a quelque chose de jubilatoire quand quelqu’un d’autre exprime mieux que soi ce que l’on voudrait dire, parfois même avant qu’on l’ait pensé.

Claire Mottet


Avec 5 voix :

 

retour d’obsèques

prise entre les essuie-glaces

une feuille sèche

Véronique Viala


J’ai opté pour ce haïku pour son originalité et sa justesse. Ici le contraste est saisissant, entre la lourdeur du rituel funéraire et le retour à la vie quotidienne après avoir fait face à la mort. La « feuille sèche » prise entre les essuie-glace agit comme un profond rappel sur la nature éphémère de la vie. Un instantané précieux.

Nicolas Giacchero-Amat


Ce haïku m’a immédiatement saisie. Je trouve le lien entre la L1 et la L3 d’une grande beauté. Il m’évoque la tristesse et les larmes liées au deuil que l’on sèche après la cérémonie. En même temps qu’une scène très réaliste du cortège funèbre qui rentre en voiture peut-être pour se retrouver ailleurs qu’au cimetière, ces mots disent implicitement le cœur serré comme une feuille sèche, les sanglots retenus dans les essuie-glaces. J’adore ce contraste entre un objet très prosaïque et l’émotion. Enfin, j’aime beaucoup le « sèche » à la fin qui peut être l’adjectif ou le verbe. Bravo à l’auteur ou à l’autrice !

Christine Boutevin


Cette feuille sèche : comme un pense-bête laissé pour ceux qui restent. Il a bien été capté.


Patrick Chomier


Parce que je l'ai vécu cet été.

Annie Reymond


Très beau haïku, triste et imagé. Avec le rapport entre la mort et la feuille sèche. La pluie à l’image des larmes, ou des yeux embués. Un haïku plein de finesse et assez bouleversant en fait dans sa pudeur expressive.

Natacha Carle-Bezsonoff

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